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Royaume-Uni : le Labour divisé laisse Theresa May sans opposition pour préparer le Brexit

Sauf surprise colossale, Jeremy Corbyn doit, aujourd’hui, être reconduit dans ses fonctions de leader du Parti travailliste britannique. Grand favori des sondages et bénéficiant d’un fort soutien des nouveaux militants du Labour, il devra toutefois composer avec la fronde rugissante des parlementaires de son camp. Ces derniers lui reprochent son silence sur le Brexit et un positionnement l’empêchant de s’imposer en candidat sérieux pour la victoire lors des élections législatives de 2020.

En lambeaux, le Parti travailliste laisse par conséquent la main à Theresa May et son gouvernement pour préparer la sortie du Royaume-Uni de l’Europe. Une procédure de retrait qui pourrait être lancée début 2017.

Jeremy Corbyn, en février 2016, lors d'un meeting contre le programme nucléaire Trident

Jeremy Corbyn, adoubé par les militants, désavoué par les députés

Le congrès du Parti travailliste, qui se tient aujourd’hui à Liverpool, doit révéler le nom du prochain leader du Labour, et donc de chef de l’Opposition. Les militants avaient jusqu’à mercredi pour se prononcer et, d’après les derniers sondages, ces derniers devraient reconduire à une très large majorité Jeremy Corbyn dans ses fonctions. Confortablement élu à ce poste il y a un an à la surprise générale, M. Corbyn, 67 ans, issu de la frange la plus à gauche du parti, doit ce succès persistant aux 300 000 nouveaux adhérents qu’il a su attirer. Une base électorale solide qui a été séduite par son charisme et ses discours d’inspiration socialiste rompant complètement avec le recentrage du parti qu’avait opéré Tony Blair. Face à lui, Owen Smith, son seul rival, n’a pas réussi à décoller et devrait être balayé.

Or celui qui est député de la circonscription d’Islington North (Londres) depuis 1983 doit dans le même temps composer avec une fronde acerbe et résolue de la part de l’écrasante majorité des parlementaires qu’il est censé chapeauter. Ils ont en effet été 172 sur 230 à signer une motion de défiance à son encontre, au lendemain du référendum du 23 juin ayant abouti à la victoire du “oui” au Brexit. Et force est de constater que les griefs auxquels doit faire face Jeremy Corbyn sont nombreux.

En premier lieu est reproché au leader travailliste son manque d’implication lors de la campagne référendaire, et accessoirement sa faible capacité de persuasion pour inciter les électeurs de voter pour rester dans l’UE. Il est en effet de notoriété publique que Jeremy Corbyn n’est pas le plus europhile des Britanniques, étant un critique de longue date du libéralisme exacerbé qui, selon lui, régit le fonctionnement de l’Europe.



Pour tout savoir sur le Brexit, consultez notre article de questions-réponses !

A cela s’ajoutent ses positions iconoclastes sur l’arsenal nucléaire britannique - il souhaite l’abandonner - sur le conflit syrien - il a condamné les bombardements britanniques - ou encore sur l’OTAN - il ne porterait pas nécessairement assistance à un Etat membre qui serait attaqué. Autant de sujets pour lesquels l’argumentaire de Jeremy Corbyn est en contradiction avec la ligne habituelle du Labour et, surtout, avec l’opinion dominante des Britanniques.

Le Labour voué à l’échec face aux conservateurs ?

Dans ce contexte, le fossé séparant l’actuel et probable futur leader du Parti travailliste de ses troupes apparaît béant, et probablement irrémédiable. En atteste son extrême difficulté à constituer un cabinet fantôme comme le veut la tradition politique britannique. Même pour le Guardian, quotidien de centre-gauche proche du Labour, loin d’être le plus agressif à l’encontre de Jeremy Corbyn, ce dernier n’est plus seulement un “dirigeant travailliste impopulaire” : il est un “diviseur” . Les Britanniques “se sont fait leur idée” sur lui, estime le journal dans un récent éditorial, et il est extrêmement improbable qu’ils puissent être une majorité à voter en sa faveur en 2020. Avant d’ajouter que même en ce qui concerne la défense du système de santé britannique (NHS), véritable joyau de la Couronne pour les électeurs, la Première ministre conservatrice Theresa May est jugée plus compétente que lui, comme le montre un sondage publié cette semaine. “Rédhibitoire” tranche le Guardian.

De fait, Mme May paraît à l’heure actuelle seule au monde dans le paysage politique britannique. En poste depuis deux mois, elle a rapidement composé un gouvernement “de combat” pour mettre en œuvre le Brexit, et peut profiter de la désunion travailliste pour avancer à sa guise. Et à en croire ses récentes prises de position, la cheffe du gouvernement serait même plus soucieuse de couper l’herbe sous le pied du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) que du Labour.

En effet, en martelant vouloir sécuriser le contrôle des frontières, refuser l’accueil de réfugiés ou encore développer la sélection à l’entrée au collège, Theresa May décline un programme fort similaire à celui du UKIP. L’eurodéputée Diane James, qui vient de remplacer Nigel Farage à la tête du parti europhobe, aura fort à faire pour continuer de se distinguer d’un Parti conservateur en plein virage à droite.

Vers un lancement du Brexit début 2017

D’autant plus que le gouvernement de Theresa May vient de donner un coup d’accélérateur en vue de lancer le Brexit. En déplacement à New York pour l’assemblée générale des Nations unies jeudi, Boris Johnson, nouveau ministre britannique des Affaires étrangères et figure de proue du Brexit, a en effet annoncé que le Royaume-Uni prévoyait d’activer l’article 50 du traité sur l’Union européenne - coup d’envoi pour une sortie d’un Etat de l’Union - au début de l’année prochaine. Jusqu’à présent, la Première ministre avait laissé entendre qu’elle pourrait attendre jusqu’à la fin 2017, soit après les élections françaises et allemandes, pour lancer la procédure.

Boris Johnson


Se montrant particulièrement confiant, l’ancien maire de Londres devenu chef de la diplomatie britannique a également déclaré que les deux années prévues par le traité pour négocier le retrait du pays de l’UE ne seront peut-être même pas nécessaires pour aboutir à un accord.

Parmi les principales questions à régler, reste toutefois celle de la place du Royaume-Uni au sein du Marché unique, que le pays a tout intérêt à conserver. Pour ce faire, adhérer aux quatre libertés de circulation (des personnes notamment) devrait être une condition sine qua non pour les autorités européennes… mais entrer en contradiction avec la promesse de Theresa May de contrôler l’immigration venue de l’Union européenne. L’une des pistes évoquées par la dirigeante conservatrice est à cet égard de ne plus accepter au Royaume-Uni que les travailleurs disposant déjà d’un emploi. Une option probablement inacceptable pour les Européens.



Pour en savoir plus sur l’article 50 du traité sur l’Union européenne, consultez notre datavisualisation

Les discussions entre Londres et Bruxelles s’annoncent par conséquent plus houleuses que ce que M. Johnson laisse paraître. D’autant plus que Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, a choisi le Français Michel Barnier pour représenter l’exécutif européen dans les négociations à venir. Un choix tout sauf anodin dans la mesure où ce dernier est bien connu outre-Manche, ayant largement contribué à davantage réguler les marchés financiers lors de son passage à la Commission européenne de 2010 à 2014. Au point de conduire le tabloïd The Sun à qualifier la nomination de Michel Barnier de “déclaration de guerre” . Autre mauvaise nouvelle pour le Royaume-Uni : pour le Parlement européen, c’est le libéral Belge aux convictions fédéralistes Guy Verhofstadt qui a été désigné pour suivre le Brexit. Selon toute probabilité, il ne devrait pas se montrer conciliant à l’égard du gouvernement britannique.

La prochaine étape dans la mise en œuvre du Brexit aura lieu le 3 février 2017 à La Valette (Malte) lors d’un sommet européen spécial - sans le Royaume-Uni.

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