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Relancer l’Europe en retrouvant “l’esprit de Rome”, par Jean Bizet

Le 25 mars prochain, l’Europe fêtera ses 60 ans à l’occasion de l’anniversaire du traité de Rome. Or fragilisée par la défiance grandissante des citoyens et par le Brexit, l’Union européenne semble à un tournant de son histoire.

Pour envisager l’avenir et les pistes de relance de la construction européenne, Toute l’Europe donne la parole à Jean Bizet, président de la commission des Affaires européennes du Sénat. Selon l’élu membre des Républicains, le “moteur franco-allemand” doit être réactivé et les “coopérations renforcées” généralisées.

Jean Bizet (c) Sénat

Par Jean Bizet, président de la commission des Affaires européennes du Sénat

Le Brexit a agi comme révélateur de la menace de déconstruction qui pèse sur l’Union européenne. Alors que les Européens s’apprêtent à célébrer le 60e anniversaire du traité de Rome du 25 mars 1957, les forces centrifuges n’ont jamais paru aussi fortes. Cette situation appelle un sursaut des Européens pour retrouver la voie de l’unité et du projet collectif.

L’anniversaire du traité de Rome ne doit ainsi pas être une simple commémoration. Il doit au contraire permettre de jeter les bases d’une Europe refondée sur des bases plus solides et plus en phase avec les attentes des peuples. Il s’agit concrètement de retrouver l’ “esprit de Rome” en traçant des pistes qui permettront à l’Europe de retrouver le sens qu’elle n’aurait jamais dû perdre, au service de la prospérité et de la protection des peuples européens.

Jean Bizet (LR) est sénateur depuis 1996. Président de la commission des Affaires européennes du Sénat, il est également membre de la commission de l’Aménagement du territoire et du Développement durable.

L’Europe doit d’abord se recentrer sur l’essentiel, là où sa plus-value peut être clairement identifiée. L’Union demeurant une fédération d’États-nations et non un État fédéral, le partage de l’exercice de la souveraineté doit être rééquilibré, en associant davantage les parlements nationaux à la procédure législative européenne.

Aujourd’hui cantonnés à un rôle d’opposants perpétuels, via le contrôle de subsidiarité et la procédure de “carton jaune” , les parlements nationaux devraient pouvoir s’agréger en « Réunion permanente » siégeant régulièrement à Strasbourg et disposant d’un “carton vert” . Ils auraient ainsi la possibilité de proposer des actions à mener par l’Union ou d’amender la législation existante.

Les multiples crises - dette souveraine, migrants, sécurité, Brexit - ont souligné la difficulté des Européens à mettre en œuvre des réponses rapides et claires ; elles conduisent à s’interroger sur le fonctionnement institutionnel de l’Union.

Les États doivent davantage témoigner de leur engagement européen en définissant collectivement ce qu’ils attendent de l’Europe. Le rôle d’impulsion et de coordination du Conseil européen doit ainsi être réaffirmé, notamment par l’adoption, chaque année, d’une déclaration établissant un programme de travail pour l’Union.

La Commission européenne doit être profondément réformée. La logique d’un commissaire par État pourrait être abandonnée tant elle contribue à créer des portefeuilles d’activités parfois peu dotés ou anecdotiques. Il s’agit de fait de revenir à l’esprit originel des pères fondateurs, avec une Commission extranationale, concentrée, politique, composée d’experts de haut niveau, disant l’intérêt général, et non une Commission supranationale, tentée par la surrèglementation.

Pour mettre en œuvre cette nouvelle “feuille de route” , il faudra une nouvelle méthode, s’appuyant d’abord sur un moteur franco-allemand réactivé. Face aux crises internationales, aux menaces géopolitiques grandissantes, aux tentations de mener des politiques strictement nationales, Paris et Berlin doivent réaffirmer le rôle moteur du couple franco-allemand en matière européenne, dans une démarche visant l’inclusion des autres États membres.

Pour éviter la paralysie et relancer le projet européen, l’Europe devra opter pour des coopérations renforcées. Cette méthode pragmatique a fait ses preuves tout au long de l’histoire de la construction européenne car elle permet de dépasser les blocages liés au vote à l’unanimité et d’avoir un réel effet d’entraînement en cas de réussite. La zone euro peut constituer un premier cercle où mettre en place des coopérations renforcées, en matière de rapprochement des fiscalités, de convergence sociale, d’énergie, d’apprentissage ou encore de défense.

Cette relance du projet européen ne sera possible que si les hommes et les femmes qui la composent désirent - toujours - partager un destin commun. Ce “vouloir vivre ensemble” , entre nous et vis-à-vis du monde, constitue bien l’enjeu de la citoyenneté européenne qu’il convient aujourd’hui de raffermir. Cela passe par des symboles d’appartenance forts comme la création d’une carte d’identité européenne.

En signant le traité de Rome il y a 60 ans, les Européens faisaient preuve d’une incroyable audace en éliminant les barrières qui divisaient leur continent depuis des siècles. Aujourd’hui, ils n’ont d’autre choix que de faire preuve de la même audace s’ils veulent éviter la dislocation du projet européen.

60 ans du traité de Rome : quel avenir pour l'Europe ?

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