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Quatre questions sur les quotas de réfugiés

La proposition de la Commission européenne visant à instaurer un système de quotas pour l’accueil des réfugiés crée la polémique. Alors que le Premier ministre Manuel Valls s’est déclaré opposé à un tel projet et que le Sénat examine la réforme du droit d’asile en France, l’idée d’une répartition obligatoire des réfugiés ne manque pas de faire surgir à nouveau nombre d’idées reçues. Toute l’Europe revient sur les mesures avancées par la Commission européenne et l’accueil reçu en Europe.

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Réfugiés, demandeurs d’asile, migrants clandestins… quelle différence ?

Selon la Convention de Genève de 1951 sur le statut des réfugiés, le terme de réfugié s’applique à toute personne qui, “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner” .

Par ailleurs, la déclaration universelle des droits de l’homme affirme que “devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays” .

Un réfugié est un individu qui se trouve hors de son pays parce qu’il craint, avec raison, d’y être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Il bénéficie ainsi d’une protection dans un autre pays que le sien, au titre de l’asile.

Une autre protection relevant de l’asile est la protection subsidiaire, généralement octroyée à des individus fuyant un conflit militaire. Elle peut-être attribuée à une personne qui se trouve hors de son pays d’origine et ne peut pas y retourner parce qu’il craint avec raison d’y faire l’objet de torture, de traitements inhumains ou dégradants, de peine de mort, ou de menace contre sa vie, en raison d’une violence non ciblée liée à un conflit armé interne ou international. Cette protection prend généralement fin si les conditions dans le pays d’origine cessent d’exister.

Un demandeur d’asile est donc une personne qui sollicite, dans un autre pays que le sien, le statut de réfugié ou une protection subsidiaire.

Un étranger (non européen) est en situation irrégulière dans un pays de l’UE lorsqu’il ne bénéficie pas d’un titre de séjour en règle (visa touriste, visa étudiant, carte de séjour…), le plus souvent en raison d’une expiration du titre de séjour, parfois parce que l’individu est entré clandestinement sur le territoire.

Dans le cas des demandeurs d’asile (qui représentent une petite minorité des étrangers non européens), les risques encourus dans le pays d’origine rendent souvent difficile l’obtention d’un visa avant l’émigration. Lorsqu’il est entré illégalement sur un territoire étranger, un demandeur d’asile est cependant en règle pendant la procédure d’examen de sa demande.

En France, le demandeur d’asile doit adresser sa demande à l’Office Français de Protection des Réfugiés et des Apatrides (OFPRA), établissement public qui décide ou non d’accorder le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. En cas de refus, le demandeur dispose d’un mois pour déposer un recours auprès de la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA), qui est quant à elle une juridiction indépendante.

Quotas de réfugiés : que propose la Commission européenne ?

En 2014, les deux pays de l’UE qui accordent le plus l’asile sont l’Allemagne et la Suède. Le nombre de demandes est également le plus important dans ces deux pays, ainsi qu’en Italie, particulièrement sollicitée par les migrants traversant la Méditerranée. D’autres pays à l’inverse, notamment à l’est du continent, sont plus réticents à accorder ce type de protection.

Le 13 mai, la Commission européenne a lancé un nouvel agenda européen en matière de migration.

Parmi les mesures avancées, allant du renforcement des opérations de Frontex en Méditerranée au démantèlement des réseaux de passeurs, l’exécutif européen souhaite mieux répartir les demandeurs d’asile entre Etats membres par l’introduction d’un système de quotas.

Ainsi, la Commission propose :

  • d’instaurer, à travers le mécanisme d’urgence prévu par les traités pour aider les États membres confrontés à un afflux soudain de migrants (ce qui est aujourd’hui le cas de l’Italie), un système de quotas par pays pour l’accueil des demandeurs d’asile qui sont déjà sur le territoire européen. La part de demandeurs qu’accueillerait chaque pays de l’UE serait calculée selon quatre critères : le PIB, le taux de chômage, la population et le nombre de demandes d’asile déjà enregistrées dans le pays. Chaque pays serait ensuite en mesure, comme c’est le cas actuellement, de déterminer s’il accorde ou non à ces demandeurs un statut de réfugié ou une protection subsidiaire.
  • de concrétiser, par la suite, un régime européen permanent de relocalisation dans les situations urgentes d’afflux massifs. Cette mesure fera l’objet d’une nouvelle proposition d’ici la fin de l’année 2015 ;
  • d’établir, d’ici la fin du mois de mai, un mécanisme temporaire de réinstallation pour faire venir en Europe 20 000 personnes déplacées supplémentaires et qui ont besoin d’une protection, en majorité des Syriens. Ceux-ci viendraient s’ajouter aux demandeurs d’asile déjà présents en Europe, leur répartition obéirait aux mêmes critères et la décision de leur octroyer une protection reviendrait là encore au pays où est faite la demande. L’Organisation des Nations unies souhaite que l’UE en accueille 20 000 par an d’ici à 2020, mais la Commission propose d’étaler ce chiffre sur deux ans. A ce titre, la France devrait accueillir 2 375 demandeurs supplémentaires : un chiffre qui représente 14% de ces déplacés, mais seulement une petite partie du nombre total de demandeurs en France (63 000 en 2014).

Quelle est la position des Etats membres ?

Pour entrer en vigueur, le projet de la Commission doit obtenir l’approbation des Etats membres à la majorité qualifiée. Les ministres de l’intérieur des pays de l’UE étudieront la question lors du Conseil du 15 juin, puis les chefs d’Etat et de gouvernement lors du Sommet européen des 25 et 26 juin. Or plusieurs ont déjà manifesté leur opposition au système de quotas.

Comme l’a récemment tweeté le Premier ministre Manuel Valls (désavouant son ministre de l’Intérieur), la France est opposée à l’instauration de “quotas de migrants” , tout en étant favorable à une répartition “plus équitable” des réfugiés dans l’Union. Une formulation ambigüe qui a déjà suscité la stupeur du Premier ministre italien Matteo Renzi, partisan (voire initiateur) du projet de la Commission. En revanche, plus de six Français sur dix (62%) seraient favorables à l’instauration de quotas pour les demandeurs d’asile, selon un sondage BVA pour Orange et iTÉLÉ paru dimanche.

De leurs côtés, les gouvernements britannique, espagnol et hongrois se sont également déclarés opposés à toute réinstallation obligatoire des réfugiés. La plupart des pays d’Europe centrale et orientale, dont la Pologne, seraient également peu enclins à accueillir plus de réfugiés.

De l’autre, l’Allemagne, qui en accueille déjà un grand nombre, ainsi que l’Irlande (qui pourtant bénéficie, comme le Royaume-Uni et le Danemark, d’un droit de dérogation en vertu du traité de Lisbonne) ont fait savoir qu’ils accepteraient ces quotas. L’Espagne et le Portugal semblent sur la même longueur d’ondes.

La France, terre d’asile ?

D’après Eurostat, 625 000 personnes (dont 123 000 Syriens) ont demandé l’asile en Europe en 2014, soit une augmentation de 44% par rapport à l’année précédente pour l’ensemble de l’Union européenne (mais une diminution de 2% pour la France). 185 000 seulement (30%) ont obtenu une protection, suite à une décision de première instance ou après un recours.

Or des quatre pays d’Europe qui ont reçu le plus grand nombre de demandes d’asile en 2014 (Allemagne, Suède, Italie, France), la France est celui qui a accordé le moins ce statut en première instance (22% du nombre de décisions prises, soit 15 000 personnes), mais elle rattrape l’Italie avec 5 000 réfugiés supplémentaires en appel. L’Allemagne a quant à elle rendu 42% de réponses positives, l’Italie 59% et la Suède 77%. La Hongrie, 5e pays de l’Union européenne en termes de demandes d’asile (devant le Royaume-Uni), n’en a accordé que 510 en 2014, soit 9%. La Bulgarie a quant à elle satisfait 94% des demandes en première instance (soit 7 000 réponses positives).

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