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Pedro Sanchez, el guapo des socialistes espagnols

“Je veux être celui qui mettra à la retraite Mariano Rajoy”. Voilà une des petites phrases qu’affectionne Pedro le beau, patron des socialistes espagnols, le plus âgé des (très) jeunes candidats d’opposition aux législatives à venir. A l’opposé de Mariano Rajoy, chef de gouvernement sexagénaire, rompu aux exercices politiques, Pedro Sanchez est un nouveau venu dans la course d’obstacles menant à la tête du gouvernement. Une surprise d’1m90, modèle costume sans cravate, au tweet facile, emballée dans un sourire éclatant. “Ca suffit les complexes”, réclame l’économiste de 43 ans, plébiscité par 48,7% des militants du PSOE pour devenir le nouveau Zapatero, l’impopularité en moins.

Pedro Sanchez à Merida

Le rêve d’une gauche méditerranéenne

Et si le renouvellement de la gauche en Europe venait du pourtour méditerranéen ? Une idée qui semble avoir séduit Pedro Sanchez, qui affirme ses références à Felipe Gonzalez, figure tutélaire des socialistes espagnols qui fut Premier ministre pendant 13 ans, ainsi qu’à Matteo Renzi, chef du gouvernement italien. Deux mentors auxquels il entend emprunter les qualités d’hommes “de gauche et réformateurs” , a-t-il déclaré dans une interview accordée au quotidien El Pais.

Décontracté, c’est les manches de sa chemise blanche retroussée qu’il annonce aux militants qu’il est temps pour le PSOE d’abandonner ses complexes. Une envolée pour signifier que les lacunes de l’ère Zapatero, Premier ministre de 2004 à 2011 et donc associé à la crise, sont à oublier. L’héritage du précédent jeune premier du PSOE serait certainement moins aisé à porter que celui de Felipe Gonzalez.


© PSCBarcelona

Qui de mieux que le premier président du gouvernement espagnol après la chute de Franco, pour représenter les conquêtes du socialisme espagnol des années 1980. Ecole obligatoire jusqu’à 16 ans, assurance-santé : des réformes structurelles qui ne sauraient être aujourd’hui réfutées. Là est l’unité que veut maintenir Sanchez. Quant au changement annoncé, c’est sur un autre pan de la Méditerranée que le secrétaire général du parti socialiste ouvrier espagnol va le chercher.

De Matteo Renzi sont enviés le dynamisme et l’insolente popularité. Un modèle à égaler pour toute une classe politique rajeunie, capable de galvaniser une population en quelques tweets et cherchant à démontrer qu’il est encore possible d’atteler des actes derrière les discours. Signe de l’adoubement, le 11 novembre, lors du Sommet de Malte sur l’immigration, Renzi a interpelé Sanchez par vidéo : “changeons l’Europe ensemble” , a-t-il harangué dans un message de soutien à son “cousin espagnol” .

Il y a besoin d’une nouvelle génération à la tête de l’Europe, d’un nouveau dynamisme, d’être enfin en mesure de restaurer l’âme de l’Europe” , affirmait le président du Conseil italien. Un message que s’est empressé de diffuser Pedro Sanchez le 3 décembre, lors du lancement en grande pompe de sa campagne législative.

Et dans une Espagne où la corruption et le chômage sont en tête de liste des inquiétudes populaires, la dynamique du discours Sanchez-Renzi séduit.

Seulement, à la différence de Matteo Renzi avant qu’il ne prenne la tête du Conseil italien, Sanchez n’a à ce jour remporté qu’une seule élection. Celle-là même qui s’est déroulée au sein du parti socialiste.

Second couteau

A la politique, ce fils de militants PSOE s’y est toujours intéressé, mais il attendra la fin de sa licence en économie à l’Université Complutense de Madrid pour prendre sa carte d’adhérent, dans la tradition familiale.

Après un master en politique économique de l’Union européenne à Bruxelles, il est repéré par Bárbara Dührkop, eurodéputée socialiste espagnole, et entre au Parlement européen en tant qu’assistant. Après un passage aux Nations unies à Sarajevo lors de la guerre du Kosovo, il devient collaborateur au sein de l’appareil socialiste ouvrier espagnol.

Débute alors une carrière de second couteau. En 2003, lors des élections municipales, il est 23e colistier socialiste. 21 sont élus. Sanchez devra alors attendre une année et deux démissions pour entrer au Conseil municipal de Madrid, une ville qui sera dès lors associée à son destin politique.

Quatre ans plus tard, bis repetita. Présent sur la liste du PSOE pour les élections législatives de 2008, Sanchez ne sera nommé député qu’après une démission. L’occasion de se perfectionner en économie en enseignant à l’université Camilo José Cela, à Madrid évidemment.

Jamais deux sans trois : l’intérimaire des mandats vit un scénario qui sent le déjà vu lors des législatives anticipées de 2011. Il est alors onzième sur la liste et seuls les dix premiers sont élus. Un répit politique qui lui permettra tout de même de devenir docteur en économie avant d’être rappelé, deux ans plus tard, en remplacement.

L’extrême-gauche aux élections européennes de 2014

L'extrême-gauche aux élections européennes 2014

Mais il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte. Alors, en 2014, lors du congrès extraordinaire organisé au lendemain de la défaite des socialistes aux élections européennes, marquée par la montée en puissance du nouveau mouvement Podemos, Pedro Sanchez brigue le poste de secrétaire général du PSOE. En 16 jours de campagne éclair favorisée par une opinion réticente à l’Union européenne, il récolte 40 000 signatures.

“Cambiando”

Sitôt élu, Sanchez poursuit sa ligne critique vis-à-vis de l’Europe et rompt le pacte conclu par les socialistes européens avec la majorité en appelant ‘ses’ eurodéputés à voter contre Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne. Un faux pas pour les anciens du parti, mais assumé par le nouveau secrétaire général, las des discours sans actes.

Cette rupture dans l’unité, Sanchez en fait sa marque de fabrique. Les deux tiers des membres de l’organe dirigeant du parti ont moins de 40 ans. Jamais il n’y a eu autant de femmes que depuis son élection. Il s’agit de faire monter l’avant-garde autant que de s’écarter de l’ancienne. Pedro Sanchez entend réfuter la politique ‘à la Joaquin Almunia’, ancien secrétaire général du PSOE et adepte des négociations en douceur lorsqu’il était commissaire européen à la Concurrence.

Pour nommer ses collaborateurs, Sanchez se base, mathématiquement, sur le poids des fédérations. Une décision qui lui vaut les critiques de ses anciens adversaires, mais qui reflète la politique fédéraliste qu’il entend mener.


© Pedro Sanchez - Facebook

Cette volonté fédérale, partie intégrante de son programme, reste cependant à expliciter. A ce jour, aucun de ses discours ne permet d’établir ce qui changerait par rapport à l’actuel modèle espagnol. Il a néanmoins rejoint, au nom du PSOE, l’union anti-indépendantiste menée par son adversaire, le Parti Populaire de Mariano Rajoy. Le changement, soit, mais non sans continuité.

Armé de son image soignée, doublée de son discours sur la modernisation du socialisme espagnol, Pedro El Guapo enchaîne les plateaux de télévision et étale son programme : abrogation de la réforme du travail menée par Mariano Rajoy, abrogation de la loi limitant l’IVG et arrêt de la fuite des cerveaux espagnols vers des pays où le marché de l’emploi est jugé plus attractif, tels la France ou l’Allemagne.

Crédité dans les sondages d’environ 20% des voix pour les élections législatives, derrière le Parti populaire, Pedro Sanchez n’est pas donné vainqueur et aura certainement besoin de monter une coalition s’il est mesure de gouverner. Le cas échéant, il aura le choix entre Pablo Iglesias de Podemos, en quête des électeurs de la gauche radicale ou, moins probablement, Albert Rivera, du parti centriste Ciudadanos, qui ne lui laisse guère de marge pour capter les voix des électeurs de centre-droit. Deux leaders encore plus jeunes que lui et animés du même désir d’incarner la rupture vis-à-vis d’une classe politique vieillissante et liée aux affaires de corruption.

Le 20 décembre, au soir de l’élection, Pedro Sanchez pourrait donc devoir encore patienter avant d’atteindre son objectif.

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