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Montée de l’extrême droite en Europe : le chômage en cause ?

Front national en France, AfD en Allemagne, Ligue en Italie… Depuis plusieurs années, les partis européens d’extrême droite progressent dans les suffrages et atteignent aujourd’hui des records. A cause de la crise et de la montée du chômage ? Pas si simple…

Marine Le Pen, Viktor Orban et Matteo Salvini
De gauche à droite : Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, Viktor Orban, Premier ministre hongrois et Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien. Crédits : Parlement européen / Conseil de l’UE

Le verdict est de nouveau sans appel : l’extrême droite est sortie gagnante des urnes lors des élections législatives italiennes de mars 2018. La Ligue de Matteo Salvini, eurosceptique et xénophobe, se place ainsi devant le parti conservateur Forza Italia, et forme désormais avec le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio le premier gouvernement “antisystème” de l’Italie.

L’extrême droite fait son chemin en Europe

Mais l’Italie n’est pas le seul pays de l’Union européenne dans lequel l’extrême droite a aujourd’hui atteint des sommets. Le début du XXIe siècle a en effet été fructueux pour ces partis. En Autriche et en Finlande, les formations d’extrême droite participent aujourd’hui à des gouvernements de coalition. En Allemagne, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) a fait en septembre 2017 son entrée au Bundestag, devenant même le troisième parti du pays.

En France, le Front national est un membre incontournable du paysage politique depuis plusieurs décennies. Le parti réalise des scores à deux chiffres à l’élection présidentielle depuis 1988. Et en 2017, il s’est hissé au second tour pour la deuxième fois de son histoire, Marine Le Pen échouant finalement face à Emmanuel Macron.

Au Danemark, en Hongrie, en Suède et aux Pays-Bas, les partis d’extrême droite sont parvenus à la deuxième ou troisième place aux dernières élections législatives.

Dans certains pays, les partis dits “de gouvernement” empruntent de surcroît la rhétorique mais surtout le programme des formations d’extrême droite. Les deux cas les plus connus sont ceux de la Hongrie avec Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, et la Pologne avec le parti Droit et justice, qui gouverne depuis 2015.

Il n’existe pas de définition absolue de l’extrême-droite. Les partis qui y appartiennent ne s’en revendiquent pas eux-mêmes. Ceux-ci partagent toutefois un certain nombre de positions, dont le rejet de l’immigration, de la mondialisation et de l’Union européenne.

Le souvenir de l’entre-deux-guerres

Pareille progression dans un grand nombre de pays d’Europe n’est pas sans faire écho à celle que le Vieux Continent a connu au cours de l’entre-deux-guerres, avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne, l’Italie fasciste de Mussolini ou encore les ligues d’extrême droite en France. A l’époque, ces formations devaient notamment leur succès à la crise économique mondiale de 1929, qui avait entraîné une spectaculaire montée du chômage.

Avec la crise économique et financière qui a éclaté en 2008, l’Union européenne a fait face pendant plusieurs années à un contexte économique préoccupant. Bien qu’aujourd’hui la situation se soit améliorée dans l’ensemble, les taux de chômage de plusieurs pays ont explosé. Un contexte propice pour l’extrême droite, qui joue sur ce sujet pour toucher les populations.

En 2008, les partis d’extrême droite sont presque inexistants dans plus de la moitié des pays de l’UE. Leurs scores au premier tour des élections entre 2005 et 2008 se situent le plus souvent en-deçà des 5%. A Chypre ou en Irlande, aucun parti d’extrême droite n’est même candidat. En France, en 2007, le Front national ne parvient pas à réitérer sa performance de 2002, où Jean-Marie Le Pen avait alors réussi à se qualifier au second tour de l’élection présidentielle, mais dépasse néanmoins le seuil symbolique des 10 %.

Avec la France, les pays européens où l’extrême droite est en position de force sont la Lituanie (14,43%), la Belgique (13,96%), le Danemark (13,84%), la Slovaquie (11,93%), ou encore l’Italie (11,03%).

En Autriche, qui fait alors figure d’exception, le score cumulé de deux partis d’extrême droite (FPÖ et BZÖ) dépasse même la barre des 25% de voix.

Forte progression en 10 ans

Dix ans plus tard, en 2018, l’extrême droite a prospéré de manière spectaculaire dans une grande majorité de pays. En Autriche, elle se maintient au-delà des 25% des suffrages lors des élections législatives de 2017. Au Danemark, en France et en Italie, ses résultats dépassent également les 20%, tandis qu’ils sont supérieurs à 15% des voix en Hongrie (le parti du Premier ministre Viktor Orban étant lui-même ouvertement xénophobe), en Lettonie, en Finlande et en Slovaquie.

Quant à l’extrême droite allemande, qui ne dépassait pas les 2% une dizaine d’années auparavant, elle a recueilli 12,6% des suffrages aux élections législatives de 2017. En Pologne également, l’extrême droite a obtenu un résultat élevé lors des dernières élections législatives en 2015, mais s’est vu concurrencée par le parti de droite ultraconservatrice Droit et justice (PiS) qui a recueilli près de 40% des voix. La formation de Jarosław Kaczyński inquiète d’ailleurs la Commission européenne, qui estime que la politique du gouvernement va à l’encontre de l’Etat de droit.

Quelques pays restent malgré tout épargnés par cette “vague” . C’est le cas de l’Irlande, dans laquelle l’extrême droite est inexistante, mais aussi du Portugal, du Luxembourg ou encore de la Roumanie. L’Espagne ne semble pas non plus touchée, la seule formation d’extrême droite en lice en 2016 n’ayant obtenu que 0,24% des voix.

Crise économique = extrême droite ?

La période 2008-2018 ayant été marquée par la crise économique, beaucoup voient dans ce choc et dans l’explosion conséquente du chômage l’une des causes majeures du succès européen de l’extrême droite. Le déclassement, réel ou craint, d’une partie croissante de la population viendrait notamment alimenter la tentation du vote extrémiste.

La crise a marqué l’Italie, la France et la Grèce, la Slovaquie et la Lettonie qui connaissent des taux de chômage élevés entre 2014 et 2018. La montée de l’extrême droite y est également importante, même si la crise n’est pas l’unique facteur permettant d’expliquer une telle progression.

En Irlande et au Portugal en revanche, pays durement touchés par la crise de 2008, l’extrême droite reste marginale. En Espagne également, où le taux de chômage est situé bien au-dessus de la moyenne européenne, l’extrême droite est pratiquement inexistante.

Enfin, en Hongrie, en Autriche, en Finlande ou aux Pays-Bas, l’extrême droite brille aux élections législatives, alors même que ces pays ont connu une période de prospérité avec peu de chômage.

Ces trois ensembles montrent donc que si dans certains pays augmentation du chômage et de l’extrême-droite vont de pair, c’est loin d’être le cas partout en Europe.

Plus le rond est à droite, plus le chômage est important dans le pays. Plus il est haut et foncé, plus l’extrême-droite y est présente.

Crise migratoire

La Hongrie, la République tchèque ou encore la Pologne ont donc vu croître les formations d’extrême droite, tandis que la ligne idéologique des partis de droite s’est durcie. Pourtant, ces pays sont en plein boom économique et n’ont été que faiblement touchés par la crise.

Selon Jacques Rupnik, directeur de recherche à Sciences Po et politologue, il faut chercher ailleurs les raisons de cette progression : la crise migratoire, en particulier, “a été révélatrice. Elle a amené au pouvoir des forces qui considèrent qu’il faut mettre l’accent en priorité sur la souveraineté du peuple et de la nation” .

En Europe de l’Est, la liberté de circulation est toute récente : pendant la Guerre froide, il était difficile de sortir du pays mais aussi d’y rentrer. Pour ces pays, la vague d’immigration est donc nouvelle. “Ces Etats ressentent une forte vulnérabilité et craignent un ‘grand remplacement’ provoqué par la crise migratoire” , observe Jacques Rupnik. Une crainte que les forces d’extrême droite ont su exploiter dans ces pays, bien que l’immigration y soit dérisoire.

Souvenir de la dictature

D’autres pays, comme l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, subissent encore les conséquences de la crise économique de 2008 mais restent étrangers, ou presque, au phénomène de montée des extrêmes. Pour Nicolas Lebourg, spécialiste des extrêmes-droites interrogé par Le Figaro, “le souvenir du franquisme et de sa répression des identités basque et catalane rend quasiment impossible de mener une formation d’extrême droite” en Espagne.

L’extrême droite y est également confrontée à de forts sentiments de nationalisme. Face à la crise, le vote de protestation s’est donc plutôt reporté sur des partis comme la formation d’extrême gauche Podemos. Même chose au Portugal, qui a aussi connu la dictature de 1932 à 1974.

Enfin, en Irlande, il n’existe aucun parti d’extrême-droite. Selon Nicolas Lebourg “la construction de l’État-nation et le référentiel de la Guerre d’indépendance ne font pas débat” . L’extrême droite ne peut donc pas se structurer car le système politique irlandais est construit sur ce socle culturel.

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