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Miguel Arias Cañete, politicien de l’or noir

L’Espagnol Miguel Arias Cañete fait partie des surprises du décidément facétieux M. Juncker. Issu de la droite, choisi par son Premier ministre, celui qui a été 12 ans eurodéputé et deux fois ministre de l’Agriculture a été bombardé en charge du Climat et de l’Energie par le nouveau président de la Commission européenne. Un cadeau pollué qui a valu à M. Cañete l’inquisition du Parlement européen. Car entre conflits d’intérêts et propos sexistes, le personnage n’a pas grand-chose d’un ami de la terre. Portrait.

Miguel Arias Cañete

Un pétrolier pour défendre le climat

Le 1er octobre, en entrant au Parlement européen pour son audition devant les commissions ENVI (pour Environnement, santé publique et sécurité alimentaire) et ITRE (comprendre Industrie, recherche et énergie), Miguel Arias Cañete, politicien expérimenté, était prêt. Barbe blanche taillée. Lunettes ajustées. Regard droit et fier.

Elu depuis 32 ans, l’exacte moitié de sa vie, il sait que la poignée d’eurodéputés lui faisant face sera dure en affaires. Il en a vu d’autres, a assuré ses arrières en coupant l’herbe du conflit d’intérêt sous le pied des parlementaires et, surtout, en étant protégé par un pacte de non-agression tacite entre les deux principaux groupes du Parlement européen.

De fait, l’annonce de sa nomination à l’Energie et au Climat par Jean-Claude Juncker a fait grincer. Au point de l’inscrire immédiatement parmi les commissaires risquant de se faire retoquer par les députés européens. Ces derniers ne manquent pas de munitions à son encontre. Dans leur viseur, principalement, ses liens avec l’industrie pétrolière, doublés d’une conscience manifestement peu écologique.

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Au cours de sa longue carrière, M. Cañete a en effet multiplié les postes en lien avec l’agriculture, l’environnement et l’énergie, passant sans complexe du public au privé, et vice-versa. Député puis sénateur de Cadiz (Andalousie) dans les années 1980, il intègre le Parlement européen en 1987. Il n’en partira que 12 ans plus tard, après avoir présidé les commissions de la Pêche, puis de la Politique régionale. De 2000 à 2004, il devient le ministre de l’Agriculture de José Maria Aznar. Le retour des socialistes au pouvoir, emmenés par José Luis Zapatero, ne sonne pour autant pas le glas de son parcours. Il retrouve un siège de député et profite de l’alternance pour « pantoufler » en parallèle. Il prend la direction de deux compagnies pétrolières : Petrologis Canarias et Petrolifera Ducar. En 2011, devenu incontournable, il revient au gouvernement, toujours à l’Agriculture, cette fois couplé à l’Environnement.

La nomination de trop pour les écologistes espagnols. Ses intérêts dans les énergies fossiles sont dénoncés, mais le Premier ministre Mariano Rajoy ne l’oblige pas à les abandonner. Miguel Arias Cañete se prononce plutôt en faveur du gaz de schiste, autorise les forages en Méditerranée et fait passer une loi ayant eu pour conséquence la destruction de plusieurs plages espagnoles. Autant de casseroles que les eurodéputés n’ont pas manqué de ressortir lors de son audition.

Audition de Miguel Arias Cañete : questions et réponses (01/10/14)

Audition Miguel Arias Canete devant le Parlement européen le 1er octobre 2014

Aujourd’hui, il affirme avoir revendu ses parts dans le pétrole et a fait en sorte que sa famille se retire également de ces activités. Un ordre qui ne vaut pas pour… ses beaux-frères, qui l’ont remplacé dans ses fonctions. Pris à partie durant son oral, l’ancien ministre est resté “droit dans ses bottes” , se bornant à indiquer qu’il n’enfreignait pas les règles européennes en matière de conflit d’intérêt. Saisie, la commission des Affaires juridiques du Parlement européen a confirmé. La belle-famille ne compte pas. Le 8 octobre, les commissions ENVI et ITRE valident à leur tour la nomination de Miguel Arias Cañete.

Pacte de non-agression

Une décision surprenante que d’aucuns expliqueront par le marchandage entre le centre-droit (PPE) et le centre-gauche (S&D) européens. En échange du sauvetage de M. Cañete, la place de Pierre Moscovici, candidat controversé au portefeuille des Affaires économiques n’est pas remise en cause. Un pacte de non-agression confirmé par Alain Lamassoure, tête de liste UMP en Ile-de-France lors des dernières Européennes et qui aurait été mis sur pied par Martin Schulz, le président, social-démocrate, du Parlement européen.

“Un débat entre un homme et une femme est toujours compliqué car si vous abusez de votre supériorité intellectuelle vous apparaissez comme un machiste et vous semblez menacer une femme sans défense”

Miguel Arias Cañete, pendant la campagne pour élections européennes 2014

Quoiqu’il en soit, la cotte de maille offerte par le PPE et les S&D au candidat a bien failli ne pas être assez solide. La fronde, menée par les écologistes européens et espagnols fut violente. Ces derniers, dans une tribune assassine parue dans le Monde, dressent le portrait d’un politicien aussi sexiste que malhonnête. Il aurait “via des montages fiscaux, dissimulé des intérêts personnels vers une société écran basée aux Pays-Bas” . Pas nécessairement illégal, mais assurément suspicieux. D’autant que quelques heures avant son audition par les parlementaires, Miguel Arias Cañete a modifié sa déclaration de patrimoine, ajoutant les 5 000 mensuels qu’il a touchés lorsqu’il fut président du comité électoral national du PP.

Dans ces conditions, pour de nombreux députés, confirmer sa nomination était impensable. Son intégrité est incertaine et il n’est pas précisément le meilleur ami de Greenpeace. Difficile de le croire quand il affirme vouloir faire de l’Europe le leader mondial en termes d’énergies renouvelables quand, dans la phrase suivante, il admet souhaiter mettre fin aux subventions nationales en la matière.

“Honte et révolte” : l’eurodéputé Pascal Durand dénonce la nomination de Cañete

Interview vidéo de l'eurodéputé Pascal Durand dénoncant la nomination de Cañete

A 77 voix contre 48, le véto a pourtant été évité, provoquant l’ire des écologistes. “Nauséabond” pour Michèle Rivasi. “Honteux” pour Karima Delli et Pascal Durand. L’accord entre le PPE et les S&D n’a pas fini d’être dénoncé. La gauche, visiblement mal à l’aise sur le sujet, n’a obtenu en échange que la supervision de la politique climatique par le n°2 de la Commission, Frans Timmermans. Mince victoire.


Accessoirement, la Slovène Alenka Bratusek, jugée incompétente pour s’occuper de l’Union énergétique et sans soutien politique de poids, car libérale, a été évincée. La question de l’énergie n’est donc toujours pas réglée.

Portrait réalisé en partenariat avec 28’ARTE

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