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Michel Barnier : “La France suit une trajectoire correcte, mais nous avons besoin de vigilance sur ses engagements”

La Commission européenne a adressé, lundi 2 juin, une série de recommandations économiques et budgétaires aux pays de l’Union européenne. Concernant la France, l’exécutif européen appelle à “renforcer la stratégie budgétaire” et doute que le pays puisse réduire son déficit à 3% en 2015. L’actuel commissaire au Marché intérieur, Michel Barnier, revient sur les réformes préconisées. Entretien.

Michel Barnier

Quels sont les principales recommandations adressées par la Commission européenne à la France ?

Michel Barnier : Tout d’abord, il faut rappeler que la Commission fait son travail. Non pas pour être sévère ou pour être clémente, mais objectivement. Parce que les traités nous demandent désormais de faire ce travail et de vérifier que le règlement de copropriété des Européens entre eux est respecté. Dans chacun des pays, il y a des points forts et des points faibles, et c’est le cas de la France pour lequel nous avons fait ces recommandations.

Evidemment, nous accueillons de manière objective l’engagement du gouvernement français, réaffirmé par le président de la République, le nouveau ministre des Finances et le nouveau Premier ministre, d’atteindre enfin les 3% de déficit en 2015. Néanmoins, il y a encore des efforts complémentaires à faire, puisque selon nos propres estimations nous n’y sommes pas encore. Le gouvernement s’est engagé à une révision de son budget dans quelques semaines, à travers un collectif budgétaire [des lois de finances rectificatives, ndlr]. Nous prenons donc acte de cet engagement pour atteindre ces fameux 3%. Il serait irresponsable de continuer à endetter notre pays, quand on sait que le seul service de la dette en France coûte 46 milliards d’euros cette année, c’est-à-dire plus que le budget de l’Education nationale.

La France suit donc une trajectoire que nous regardons avec vigilance mais qui est correcte. Autant que l’aspect comptable et budgétaire, c’est aussi la politique économique de la France qui est en cause. On sait très bien que le vrai problème de notre pays, au-delà de son déficit et de sa dette, c’est sa compétitivité, quand on la compare avec des pays voisins comme l’Allemagne.

Là encore, nous souhaitons que la France accélère le pas sur des réformes structurelles, le marché du travail, l’équilibre de son régime de retraites, une plus grande flexibilité pour certaines professions réglementées, un meilleur système de formation en alternance…

Le score du Front national aux élections européennes a-t-il poussé la Commission européenne à alléger ses recommandations ?

Nous avons travaillé sur les chiffres et les engagements de la France avant les élections européennes. Il ne s’agit pas d’être sévère ou complaisant, il s’agit d’être objectif. L’Europe a besoin d’une France forte, or la France n’est pas forte quand elle a trop de déficit et qu’elle est trop endettée.

Le Front national se nourrit du malheur, de la souffrance et du chômage des Français. La première réponse à apporter au Front national et à ceux qui sont tentés par des votes extrêmes ou par l’indifférence - il y a eu près de 60% d’abstention aux élections européennes - est dans la croissance et dans l’emploi, qui doivent revenir. Continuer à réduire le déficit de la France et redonner de l’oxygène aux entreprises, et notamment aux PME, c’est le moyen de faire revenir la croissance en France.

Pourquoi la France ne parvient-elle pas, contrairement à d’autres pays européens, à redresser son économie ?

La trajectoire est correcte, mais la France n’est pas encore sortie de la procédure de déficit excessif parce que nous avons besoin de vigilance sur ses engagements.

Nous partons de loin, c’est vrai. D’un très grand endettement, d’un trop grand déficit, et d’une grande faiblesse de compétitivité qui s’est d’ailleurs aggravée, accentuée notamment avec notre principal partenaire, l’Allemagne. Depuis une vingtaine d’années, nous avons perdu trop de parts de marché à l’exportation, notamment dans la zone euro. Et si les entreprises n’embauchent plus, c’est parce qu’elles n’ont plus d’oxygène et de marge en raison du poids des charges fiscales et sociales, et de l’instabilité réglementaire et fiscale, qui est un défaut de notre pays.

Globalement, il faut dire que l’Europe va mieux. Après une crise d’une violence inouïe, comme jamais on n’en avait connu depuis 60 ans, les chiffres montrent que le train est en train de redémarrer. Ce sera, en 2015, 2% de croissance pour l’Union européenne, un peu moins pour la France. Et même cette année, la croissance revient un peu partout, y compris dans les pays qui étaient les plus en difficulté.

Faut-il, comme l’a déclaré François Hollande après les élections européennes, “réorienter l’Europe” vers plus de croissance, d’emploi et d’investissement ?

C’est précisément ce que je pense. Avant de réorienter, il fallait reconstruire la stabilité financière. Parce que vous ne faîtes pas de la croissance, de l’emploi, vous n’investissez pas, quelle que soit la taille de votre entreprise, s’il y a de l’instabilité, de la volatilité, si les taux d’intérêt explosent, si vous n’êtes pas sûr du lendemain.

Depuis quatre ans, avec le soutien de la France, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ensuite, nous avons reconstruit la régulation financière, mieux coordonner nos économies et fait chacun chez soi et ensemble l’effort qu’il fallait faire. Et cela fonctionne.

Il faut réorienter l’Europe maintenant, vers la croissance, l’emploi… et je peux aller plus loin (ce serait l’objet du mandat de la prochaine Commission) : il faut bâtir une stratégie de compétitivité industrielle, une stratégie d’indépendance énergétique pour moins dépendre du gaz et du pétrole russes, une stratégie pour développer le marché numérique, une stratégie pour développer l’Europe de la défense. Voilà ce qui est devant nous, c’est en cela qu’on peut parler de nouvelle orientation, par rapport à ces quatre années où nous avons été le dos au mur, en défensive, pour éviter l’explosion de la zone euro et sortir de la crise.

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