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Menace européenne sur le statut des sapeurs-pompiers volontaires

La semaine dernière, plusieurs médias ont indiqué que le statut des sapeurs-pompiers volontaires (SPV) serait menacé par une révision de la directive européenne sur l’aménagement du temps de travail de 2003. Alors qu’une loi française vient de leur accorder un statut juridique, cette révision assimilerait les SPV à des travailleurs, dont découlerait une obligation de repos quotidien de onze heures. Si une telle disposition entrait en vigueur, elle entraînerait donc un chamboulement sans précédent dans le secteur des secours, et diminuerait fortement son efficacité.

Une révision et une jurisprudence européenne controversées

Le projet de révision de la directive européenne sur le temps de travail est sur la table depuis 2003. Cette directive met déjà en place une période minimale de repos de onze heures consécutives au cours de chaque période de vingt-quatre heures. En soi, cette mesure est tout à fait satisfaisante. Mais l’un des problèmes est que cette directive révisée pourrait assimiler l’activité volontaire des sapeurs-pompiers à une activité salariée (la majorité des forces de pompiers européennes est en effet constituée de volontaires).

Dès lors, il sera obligatoire de respecter les dispositions en matière de taxes supplémentaires ainsi que de durées de temps de travail, notamment aux pompiers volontaires. “Cela voudrait dire qu’un sapeur-pompier volontaire qui est un citoyen qui travaille devrait attendre onze heures pour venir servir les sapeurs-pompiers. C’est la mort du volontariat” souligne le colonel Richard Vignon, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France(FNSPF).

Cependant, les services de la Commission contactés indiquent que celle-ci est très consciente des besoins spécifiques des services d’incendie et d’urgence en ce qui concerne l’organisation du temps de travail, et en particulier sur la situation des sapeurs-pompiers en France.

Pour la Cour de justice de l’UE, la notion de travailleur ne doit pas s’entendre de manière restrictive. Ainsi dans l’arrêt Trojani du 7 septembre 2004, la Cour a estimé que devait être considéré comme travailleur “toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires” .

De plus, dans cet arrêt la Cour a également mis en avant la définition de la relation de travail. Pour la CJUE, cette relation se caractérise en “la circonstance qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle reçoit une rémunération” .

Le sapeur-pompier volontaire exerce une profession principale et se livre à l’activité de sapeur-pompier qu’en dehors de celle-ci.

Une loi française de juillet 2011 leur a accordé un statut juridique, absent jusqu’alors.

Cette loi précise que le sapeur-pompier volontaire “contribue […] directement, en fonction de sa disponibilité, aux missions de sécurité civile de toute nature confiées aux services d’incendie et de secours ou aux services de l’Etat qui en sont investis à titre permanent” .


Se basant sur les mêmes définitions, les contrats des moniteurs de vacances ont été remis en cause par la Cour de justice dans un arrêt d’octobre 2010. Dans cette décision, la Cour a en effet souligné la nécessité d’appliquer les dispositions sur le repos quotidien obligatoire de onze heures de la directive sur le temps de travail aux contrats des moniteurs des colonies de vacances.

D’ores et déjà, l’activité des pompiers professionnels est soumise aux dispositions de la directive européenne de 2003 relative à la durée hebdomadaire maximale de travail, comme le souligne un arrêt de la CJUE du 14 octobre 2010, Günter Fuß contre Stadt Halle. Il faut donc s’attendre, en cas d’assimilation des sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs, à ce que la directive leur soit appliquée. Mais si la Commission décide de proposer des amendements à la présente directive, elle prendra en compte la situation actuelle des pompiers volontaires et la nécessité de préserver la prestation de ce service essentiel précisent à nouveau les services de la Commission européenne.

L’application de cette directive révisée aux sapeurs-pompiers volontaires aurait en effet des conséquences financières importantes, car des salaires et des cotisations devraient alors être versés aux volontaires. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers a ainsi calculé que ces dispositions entraineraient 2,9 milliards d’euros supplémentaires par an, et une augmentation de 50 % des budgets des services départementaux d’incendie et de secours. La Commission souligne cependant que plusieurs contacts ont été établis avec les représentants du gouvernement et les faits et les arguments sont bien connus de la Commission.

Une réaction préventive du législateur français

En juillet dernier, le législateur français a adopté une nouvelle loi relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique. Ce texte instaure une véritable définition du volontariat, ce qui fait encore défaut à l’heure actuelle au niveau européen. Il définit l’activité volontaire des sapeurs-pompiers comme reposant “sur le volontariat et le bénévolat, [et] n’est pas exercée à titre professionnel, mais dans des conditions qui lui sont propres” . Le texte prévoit également la protection sociale et pénale des sapeurs-pompiers volontaires.

Les SPV français ne seraient pas les seuls touchés par ces nouvelles dispositions européennes. En effet, la sécurité civile est organisée à peu près de la même façon en Allemagne, en Pologne, en Autriche, au Benelux ou encore en Angleterre. Ainsi, l’organisation des secours de près de 500 millions d’Européens serait chamboulée, car sur les 2,5 millions de sapeurs-pompiers européens, 2 millions sont des volontaires.

La Commission européenne doit commencer à examiner la révision de la directive européenne sur le temps de travail à l’automne 2011. Elle n’attend plus que la clarification des intentions des partenaires sociaux européens avant de procéder à la présentation d’une proposition.

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