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Macédoine : une crise politique dans l’impasse

La crise politique se poursuit en Macédoine. Alors que des milliers de manifestants réclament depuis des semaines la démission du Premier ministre Nikola Gruevski, accusé d’avoir mis en place un régime autoritaire et corrompu, le gouvernement se dit victime d’un complot international. Dans ce petit pays au coeur des Balkans, l’instabilité est de retour.

1984

A quelques pas de la rivière Vardar, dans le centre de Skopje, un jeune couple est assis dans un café. Originaires de Macédoine, Elena et Jovan s’amusent à comparer leur Premier ministre Nikola Gruevski au “big brother” de George Orwell. Comme dans le livre “1984” de l’écrivain britannique, le gouvernement macédonien a désormais pris l’habitude de contrôler les médias, de surveiller les appels téléphoniques de ses habitants et de tourner en ridicule, via les chaînes télévisées publiques, les principaux chefs de l’opposition.

A 36 ans, Nikola Gruevski quitte sa carrière de trader pour entrer dans l’arène politique. Nommé à la tête du parti conservateur VMRO, il profite d’un climat économique morose pour balayer les sociaux-démocrates (SDSM), alors au pouvoir. Elu pour la première fois en 2006, il est reconduit au poste de Premier ministre successivement en 2008, 2011 et 2014. Et au fur et à mesure que son autorité se consolide, ses prises de position controversées s’enchaînent.

Ces dernières années, le nationalisme affiché de Gruevski a transformé la ville de Skopje qui compte aujourd’hui de nombreuses statues à l’effigie de héros patriotiques. Parmi des centaines, l’immense sculpture en hommage à Alexandre le Grand s’érige en plein centre. Une provocation que la Grèce, qui revendique la paternité du conquérant, n’a toujours pas digérée. Outre cette démonstration anti-grecque, une dérive autoritaire est de plus en plus visible.

En 2010, une célèbre chaîne de télévision privée est perquisitionnée puis fermée, sous prétexte de fraude fiscale. Parallèlement, une réforme de l’audiovisuel est mise en place, tandis que l’activité des journalistes étrangers est soumise à une autorisation du ministère des Affaires étrangères. Sans compter le manque d’indépendance de la justice, le harcèlement par la police des ONG jugées trop critiques et la généralisation de la corruption…

Pendant ces neuf années à la tête du pays, Nikola Gruevski s’est octroyé un pouvoir quasi absolu, une réalité que viennent confirmer les récentes révélations du chef de l’opposition. Le social-démocrate Zoran Zaev (SDSM), publie depuis février 2015 des écoutes téléphoniques. Chaque semaine, ses “bombes” (comme il les désigne) rendent public les abus du gouvernement. De la surveillance des milliers de citoyens aux pot-de-vins, les scandales à répétition ont fait monter la colère des Macédoniens, jusqu’à les faire descendre dans la rue début mai.

Des semaines de manifestations

Le long du boulevard Iliden, face au siège du gouvernement, des dizaines de milliers de manifestants défilent en criant “Ostavka !” (“Démission !”). Les drapeaux macédoniens et albanais s’entrelacent, la foule marche de manière pacifique mais déterminée. Sur la scène, les opposants au régime Gruevski haranguent les protestataires : étudiants, artistes engagés, représentants du Parlement européen prennent à tour de rôle le micro pour laisser le dernier mot au populaire Zoran Zaev.

“Nous demandons la démission de Nikola Gruevski, la création d’un gouvernement de transition et la tenue des nouvelles élections” , résume le leader du parti social-démocrate. Le soir du 17 mai, les Macédoniens, décidés à faire tomber l’exécutif, installent un campement devant le palais du Premier ministre. Depuis cette nuit à la belle étoile, les tentes colorées se multiplient sur le boulevard, car Nikola Gruevski n’a toujours pas démissionné…

Au contraire, le chef des conservateurs se cramponne à son poste. Au lendemain du grand rassemblement anti-gouvernemental, des fidèles au régime ont montré leur soutien au VMRO et à la coalition au pouvoir, face à un soi-disant complot international. “La Macédoine est aujourd’hui attaquée férocement. Nous sommes restés silencieux trop longtemps, maintenant il est temps de répondre !” , lance Gruevski face à des milliers de manifestants. “Ce qui se passe aujourd’hui dans ce pays, c’est une dictature de la minorité politique !” .

Un dialogue impossible

Campés sur leurs positions respectives, Gruevski et Zaev se rencontrent à plusieurs reprises. A Skopje, sous la houlette de cinq ambassadeurs (France, Etats-Unis, Italie, Allemagne et Royaume-Uni) et de la délégation de l’UE, et à Strasbourg, avec la médiation des trois eurodéputés et de deux commissaires européens (Johannes Hahn à l’Elargissement et Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne), mais les négociations n’aboutissent à aucun résultat.

La communauté internationale reste également divisée. D’un côté, les Etats-Unis et l’Union européenne demandent au Premier ministre Gruevski de prendre ses responsabilités face aux soupçons de corruption dévoilés par les écoutes téléphoniques. De l’autre, Moscou accuse l’Occident de vouloir déstabiliser Skopje, pour y empêcher la construction d’un nouveau gazoduc en provenance de la Russie (le “Turkish stream”).

A une semaine des grandes démonstrations de l’opposition et du gouvernement, deux campement demeurent installés dans le centre-ville de la capitale macédonienne, séparés par les forces de l’ordre.

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