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Le télétravail en Europe

Défini au niveau européen par un accord-cadre en 2002 visant à procurer plus de sécurité aux télétravailleurs salariés dans l’UE, le télétravail occupe une place grandissante en Europe. Quels pays le pratiquent le plus, et quels facteurs expliquent les disparités entre les 27 ?

Selon l’accord-cadre européen signé par les partenaires sociaux européens en 2002, le télétravail est défini comme une “forme d’organisation et/ou de réalisation du travail utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat ou d’une relation d’emploi, dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière” . Cette définition a servi de base à la loi française encadrant le télétravail, promulguée en 2012, et aux ordonnances “Macron” portant la réforme du Code du travail en 2017.

Le télétravail en lente progression en Europe

Entendue ainsi, la notion de télétravail recoupe des situations très différentes. Elle s’adapte aussi bien aux travailleurs indépendants payés à la tâche qu’aux salariés à temps plein. Le télétravail peut également s’accomplir dans différents lieux, dans un espace de co-working, un train, un aéroport ou encore à domicile. Mais selon les aires géographiques, les études et les institutions qui les commandent, la définition du télétravail diffère. C’est la raison pour laquelle les chiffres en la matière varient sensiblement selon les enquêtes. Ils s’accordent néanmoins tous sur un point : le télétravail se démocratise lentement en Europe, comme en témoigne une étude Eurostat publiée en mars 2020. D’après les données récoltées par l’Office statistique de l’Union européenne, 5,1 % de la population active pratiquait “régulièrement” le télétravail en 2019, un taux relativement stable depuis 2008. En revanche, en près de dix ans la proportion des télétravailleurs “occasionnels” a notablement augmenté passant de 5,8 % en 2008 à 9,7 % en 2019.

Le Nord en avance, l’Est à la traîne

Parmi les pays où le télétravail régulier est le plus répandu, un quatuor se détache. Avec près de 10 % de la population active ou plus travaillant régulièrement à distance, les Pays-Bas (14,1 %), la Finlande (14,1 %), le Luxembourg (11,6 %) et l’Autriche (9,9 %) voient cette pratique largement démocratisée sur leur territoire. De l’autre côté du spectre, les pays d’Europe de l’est comptent parmi ceux qui télétravaillent le moins. La Bulgarie (0,5 %), la Roumanie (0,8 %), la Hongrie (1,2 %) mais aussi la Grèce (1,9 %) ou encore la Croatie (1,9 %), sont en queue du classement. Du côté des économies les plus puissantes de l’UE, la France (7 %) devance l’Allemagne (5,2 %) et l’Italie (3,6 %).

Quels facteurs explicatifs ?

Fort de son secteur bancaire florissant, le Luxembourg est ainsi le pays européen le plus tertiarisé de l’Union européenne, avec 78 % de son PIB issu des services, loin devant la Roumanie, dernière du classement (57 %). Cette différence dans la structure du tissu économique peut constituer un premier facteur explicatif de ces divergences. Avec 70 % de son PIB généré par les services, la France devance assez largement l’Allemagne (61,8%) dans ce classement, ce qui peut justifier l’écart constaté en termes de télétravail.

Les pays dont la population active est constituée d’une forte proportion (plus de 30%) de cadres et de professionnels de l’information, de la communication et des nouvelles technologies comptent naturellement parmi les sociétés les plus ouvertes au télétravail. Quatre des pays où le télétravail est le plus développé en Europe - le Danemark, les Pays-Bas- en font notamment partie, selon une étude Eurofound publiée en 2012.

Le cas français

Si l’on s’attarde plus longuement sur les télétravailleurs occasionnels, on constate que la France est le septième pays d’Europe le plus développé en la matière (15,7 %). La France - où la durée moyenne du télétravail est de 1,2 jour par semaine - a donc développé un rapport plus ponctuel à cette pratique. A la différence de l’Autriche, où les travailleurs sont moins nombreux à télétravailler occasionnellement (seulement 11 % de la population) alors qu’ils comptent parmi les Européens pratiquant massivement le télétravail régulier.

Autre facteur explicatif possible de cette démocratisation du télétravail occasionnel en France, le travail féminin. Les femmes sont plus nombreuses à télétravailler régulièrement (8,4 % contre 5,7 % des hommes). Un rapport de force qui se vérifie dans d’autres pays européens comme le Portugal, la Pologne ou la Grèce. Faut-il voir le télétravail comme un dispositif facilitant l’activité professionnelle féminine, dans des sociétés où les normes les contraignent plus volontiers à assumer la charge de la famille ? Les interprétations divergent à ce sujet.

Autre question, à laquelle l’étude ne répond pas : le télétravail est-il l’apanage des cadres et catégories socioprofessionnelles supérieures ? Sur le sujet, les études françaises montrent que les cadres l’ont adopté beaucoup plus largement que les employés. En 2017, l’Insee note que 11,1 % des cadres pratiquaient le télétravail, contre 3,2 % des professions intermédiaires, 1,4 % des employés et 0,2 % des ouvriers. Néanmoins, le télétravail est aussi répandu dans les métiers administratifs et chez les fonctionnaires de catégorie C (la plus basse de la fonction publique française). Il est en revanche techniquement impossible à appliquer à certains métiers de services (hôtes et hôtesses de caisse par exemple).

L’épidémie de Covid-19 et l’explosion du télétravail

Déjà bien implanté dans les sociétés européennes, le télétravail a explosé en 2020 avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19 qui a paralysé les sociétés du continent. Les fermetures des commerces non-essentiels et des institutions publiques ainsi que les mesures de confinement ont contraint nombre de travailleurs au chômage partiel. Dans les professions qui en offrent la possibilité, d’autres ont poursuivi leur activité professionnelle en télétravail.

Si aucune donnée européenne n’est pour l’instant disponible quant au recours au télétravail en Europe en cette période de crise sanitaire, quelques chiffres français témoignent de l’ampleur du phénomène : selon une étude de la DARES établie sur la dernière semaine du mois de mars 2020, un quart de la population active française est passée en télétravail. Une proportion logiquement plus élevée dans les secteurs de l’information et de la communication (63 %) ou de la finance et des assurances (55 %) que dans la restauration et l’hôtellerie (6 %), ou encore dans les transports (13 %).

Le télétravail, une pratique pas si moderne ?

Le télétravail est généralement considéré comme un phénomène nouveau, propre aux économies fortement numérisées et développées autour des services. Il s’agit pourtant d’un phénomène beaucoup plus ancien, si on l’entend au sens de travail hors d’un lieu uniquement dédié à l’activité productive.

Aux prémices de la Révolution industrielle, les ouvriers pratiquaient massivement le travail à domicile, appelé “manufacture dispersée” par Karl Marx. Les drapiers de Sedan travaillaient ainsi déjà de chez eux au XVIIIe et XIXe siècles. On venait ensuite récolter leur ouvrage, ce qui signifie qu’ils étaient libres d’organiser leur temps comme ils l’entendaient, et que le contrôle ne s’opérait pas sur le processus de travail en lui-même mais bien sur le résultat et sur le produit fini.

Ce contrôle plus ou moins étroit du travail dépend donc de l’activité et des moyens techniques requis et disponibles. A la charnière entre le XIXe et le XXe siècle, une recrudescence du travail à domicile a également été observée avec l’arrivée du gaz et de l’électricité dans les appartements. Cela a permis de développer à nouveau les ateliers et le travail à domicile. L’idée d’identifier un espace de travail distinct de l’espace domestique - et donc de circonscrire un espace sur lequel est porté le regard de l’employeur - est donc une convention sociale assez récente.

En revanche, le télétravail apporte une nouveauté dans son acception moderne. Il porte en lui l’idée selon laquelle on pourrait, grâce aux moyens techniques actuels, recréer un lieu virtuel avec les normes du travail salarié en dehors de l’espace habituellement dévolu au travail productif. Pour les salariés, tout l’enjeu est de se ménager des espaces de liberté dans ce lieu virtuel. Un objectif beaucoup plus atteignable lorsque le travail est évalué sur le résultat (comme c’est souvent le cas pour les cadres) que sur le processus en lui-même.

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