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  • Synthèse

Le marché de l’électricité européen est-il menacé par les énergies renouvelables ?

En janvier 2014, le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) publiait un rapport accusant les énergies renouvelables de la dégradation du marché de l’électricité en Europe, tandis que d’après l’ancien commissaire européen à l’Energie, Günther Oettinger, “garantir un approvisionnement fiable en énergie à un prix abordable est l’un des plus grands défis auxquels l’Union est actuellement confrontée”. Les énergies renouvelables sont-elles viables économiquement pour les pays européens ?

Panneau photovoltaïque

Le regard du CGSP : une crise du modèle énergétique européen ?

L’énergie est au cœur du projet européen depuis la création de la Communauté économique européenne. La Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), a été intégrée à la politique de l’UE en 2002, et, dès 1957, l’Euratom instituait la communauté européenne de l’énergie atomique. Pourtant, d’après le rapport du CGSP publié en janvier 2014, les politiques européennes de l’énergie sont un échec.

En effet, sur le plan climatique, une tendance à la hausse des émissions de gaz à effets de serre a été observée en Europe du fait de la chute du prix de la tonne de CO2 sur le marché du carbone et de la baisse du prix du charbon en raison de l’exploitation des gaz de schiste aux États Unis.

Marché de gros : marché sur lequel les producteurs d’électricité concurrents vendent aux fournisseurs leur électricité produite.

Smart Grid : réseau intelligent utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication pour améliorer les échanges d’électricité entre les différents acteurs.

De la même manière, l’impact économique de la politique énergétique européenne est également critiqué par le CGSP. En moyenne, les prix de l’électricité ont augmenté de 28 % pour les ménages européens, tandis que les prix de gros étaient parfois négatifs, entraînant une perte de rentabilité des centrales thermiques à gaz et un endettement des gros producteurs d’électricité traditionnels. On assiste donc à un remplacement progressif des centrales thermiques à gaz par des centrales thermiques à charbon, plus économiques mais plus polluantes.

Les énergies renouvelables : une partie du problème ?

L’électricité européenne est donc face à un apparent paradoxe : alors que les producteurs d’électricité vendent leur électricité moins cher, les consommateurs finaux, eux, achètent leur électricité plus chère. D’après le CGSP, la raison à cela est le développement de l’électricité renouvelable.

En effet, afin de développer ces énergies, les États européens ont mis en œuvre des taxes, comme la contribution au service public de l’électricité (CSPE) en France, qui s’applique surtout aux entreprises, ou l’EEG-Umlage en Allemagne, cette dernière étant plutôt destinée aux particuliers. Ces financements doivent apporter les investissements nécessaires aux renouvelables, à l’entretien et au développement du réseau et des centrales déjà existantes, et à favoriser une convergence des prix de l’électricité entre les pays européens via l’achèvement du marché européen de l’énergie, comme le souhaite la Commission européenne.

D’autre part, la dépréciation des prix de l’électricité sur le marché de gros, qui rassemble producteurs et fournisseurs d’électricité - les premiers vendant l’énergie aux seconds - s’explique, d’après le CGSP, par la nécessité de faire des énergies renouvelables des énergies prioritaires. En effet, l’éolien et le photovoltaïque sont des énergies intermittentes. Afin de ne pas perdre l’énergie produite, cette dernière doit être injectée sur le réseau en priorité. Subventionnée, l’électricité renouvelable est vendue au même prix que l’électricité des centrales dites “de base” , qui fonctionnent en permanence, et qui, en France, sont principalement les centrales nucléaires ainsi que les centrales produisant de l’électricité “au cours de l’eau” . L’ajout d’énergie renouvelable sur le marché doit donc avoir pour effet d’augmenter l’offre d’électricité à bas prix.

Ordre de préséance économique : principe selon lequel le prix de l’électricité sur le marché de gros est fonction du prix de l’unité d’électricité produite le plus élevé.

Parité réseau : situation où les coûts (d’installation, d’opération, d’entretien) d’une installation sont égaux au prix de l’électricité pour un utilisateur final (prix sur la facture d’électricité).

Or, le prix de l’électricité sur le marché de gros dépend de l’unité de production qui a les coûts de production les plus élevés. Plus on active des centrales dont le coût de production est élevé, plus le prix de l’électricité augmente. Ainsi, les centrales rarement activées sont de plus en plus pénalisées par le développement des énergies renouvelables. C’est par exemple le cas des centrales thermiques, facilement activables mais plus polluantes, qui doivent attendre une demande plus élevée qu’auparavant pour pouvoir être activées. Moins utilisées, elles vendent moins d’électricité, et sont par conséquent donc moins rentables.

Le renouvelable, inévitable partie de la solution ?

En février 2015, la Commission Européenne a publié le Paquet “Union de l’Énergie” , dans lequel elle réaffirme ses objectifs, dont celui de devenir “leader mondial des énergies renouvelables et la plate-forme mondiale de développement de la prochaine génération des sources d’énergies renouvelables techniquement avancées et compétitives” .

Plutôt que de renier le renouvelable, il s’agit donc d’adapter le système énergétique. En ligne de mire, le système d’échange de quotas d’émission de l’UE. Il doit fixer des prix significatifs pour les émissions de CO2. Cela doit avoir pour conséquence de freiner le développement des centrales thermiques à charbon, et de rendre les centrales thermiques à gaz moins polluantes et plus rentables économiquement. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC ) a estimé que le CO2 devrait valoir 100 euros la tonne pour que le système soit efficace.

De la même manière, la constitution d’un “réseau intelligent” (“smart grid” en anglais) doit permettre aux énergies renouvelables d’être parfaitement intégrées au marché commun de l’énergie, actuellement en construction. Le but est de relier les réseaux nationaux entre eux, afin de rendre possibles les échanges d’électricité entre les pays européens selon leurs besoins. In fine, selon la Commission européenne, le prix de l’électricité devrait se déprécier en cas de surproduction due aux renouvelables.

Enfin, les subventions accordées aux énergies renouvelables doivent être comprises comme des aides nécessaires temporaires afin de permettre à ces technologies de devenir matures. Ainsi, la parité réseau pour le photovoltaïque, notamment, est très attendue. Elle a déjà été atteinte en Italie, en Espagne et en Allemagne, mais elle est espérée pour l’horizon 2018 - 2020 en France. Cette dernière permettrait aux particuliers et aux entreprises qui le souhaitent d’investir dans l’installation de leur propre production d’électricité renouvelable sans avoir besoin d’aides de l’État.

Autant de mécanismes qui doivent permettre à l’Union européenne d’atteindre ses objectifs climatiques et de porter à 27% la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique d’ici à 2030.

* Article écrit dans le cadre d’un projet collectif avec Sciences Po Paris, dont les participants sont Hugo Lequertier, Abderrazak Ouassat, Lucile Rogissart et Claire Sandevoir

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