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Journée de l’Europe : redécouvrez les pères fondateurs de l’UE

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une poignée de personnalités lancent ce qu’on appellera plus tard la construction européenne. Engagés pour la préservation de la paix, leur impulsion leur vaudra d’être considérés comme les “Pères fondateurs de l’Europe”.

Robert Schuman
Robert Schuman - © European Union - EP

Robert Schuman

Né au Luxembourg en 1886, Robert Schuman grandit au carrefour de l’Europe, entre ce pays, l’Allemagne et la France. Il s’installe à Metz en 1912, alors que la ville est encore allemande, et est élu député au sortir de la Premier Guerre mondiale, lorsque la Moselle redevient française. Il entre ensuite au gouvernement en 1946, comme ministre des Finances. En 1947, il est président du Conseil, puis ministre des Affaires étrangères de 1948 à 1952.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Robert Schuman estime qu’il est nécessaire d’établir et fortifier de véritables liens européens pour qu’une paix durable soit possible. Il saisit ainsi au vol l’idée prometteuse que lui soumet Jean Monnet (voir plus bas) : unifier la production du charbon et de l’acier sous une haute autorité supranationale. Le projet est annoncé en grande pompe le 9 mai 1950 par Robert Schuman lui-même, au cours d’une grande conférence de presse au Quai d’Orsay. Une date qui passera à la postérité et désormais célébrée comme la Journée de l’Europe.

Pour Robert Schuman, l’objectif ultime du processus est la concrétisation d’une communauté supranationale. Elle serait administrée par une autorité suprême unique, dont la légitimité découlerait de la capacité à garantir la paix et une prospérité commune à travers un développement harmonieux. Il imagine aussi l’Europe comme un espace de culture et de partage qui assurerait l’épanouissement de la création artistique européenne, l’échange des richesses nationales et l’élévation du niveau scolaire. En 1958, après la création de la Communauté économique européenne (CEE) par le traité de Rome, il devient le premier président de l’Assemblée européenne - ancêtre du Parlement européen - et ce jusqu’en 1960.

Jean Monnet

Jean Monnet (1967) - Crédits : Commission européenneJean Monnet (1967) - Crédits : Commission européenne

Né en 1888 à Cognac, Jean Monnet se fait connaître à partir de 1916 en coordonnant l’effort de guerre franco-britannique pendant la Première Guerre mondiale. Après celle-ci, il devient secrétaire général adjoint de la Société des Nations qui se crée en 1919. Il la quitte en 1922, s’orientant ensuite vers le monde des affaires : il est alors amené à voyager à travers le monde et ne revient en France qu’en 1939.

En 1945, il est chargé du premier Plan français de modernisation et d’équipement. Alors que l’Allemagne se reconstruit plus rapidement que la France, il imagine, en 1950, de souder les destins des deux pays par une mise en commun de la production du charbon et de l’acier, et élabore le projet de Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Cette idée, qu’il soumet à Robert Schuman (voir plus haut), se traduit par la signature du traité de Paris le 18 avril 1951 entre l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. La suppression des droits de douane et des restrictions à la circulation de ces matières premières prend effet le 23 juillet 1952.

En revanche, son autre grand projet européen, la Communauté européenne de défense (CED), échoue en 1954, en raison du refus de la France. Jean Monnet démissionne alors de la Haute Autorité de la CECA et crée le Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe. Ce mouvement, qui rassemble syndicats et politiques des six pays, œuvre pour une fédération européenne plus ambitieuse dans sa dimension politique. L’initiative contribuera à la création de la Communauté économique européenne, en 1957.

Alcide De Gasperi

Alcide de Gasperi (1953) - Crédits : Commission européenneAlcide de Gasperi (1953) - Crédits : Commission européenne

Président du Conseil italien et ministre des Affaires étrangères après la Seconde Guerre mondiale, Alcide de Gasperi fut un fervent militant de l’idée européenne. Figure majeure de la restauration de la démocratie en Italie, il souhaite que le pays retrouve une place sur le plan international. Il soutient par conséquent l’adhésion de l’Italie au plan Marshall et à l’OTAN et participe activement à la création du Conseil de l’Europe.

Pro-européen, il répond positivement à l’appel de Robert Schuman pour la création de la CECA, et devient le premier président de son Assemblée parlementaire en 1954. On décrit également Alcide De Gasperi comme un médiateur des relations franco-allemandes et un fervent défenseur de la Communauté économique européenne (CEE). Il meurt avant la création de cette dernière.

Altiero Spinelli

Altiero Spinelli (1979) - Crédits : Jean-Louis Debaize / Commission européenneAltiero Spinelli (1979) - Crédits : Jean-Louis Debaize / Commission européenne

Altiero Spinelli naît à Rome en 1907. Opposant au fascisme, il est arrêté en 1927, incarcéré pendant 10 ans, puis assigné à résidence pendant 6 ans aux confins du territoire italien. C’est dans une petite île de la mer Tyrrhénienne qu’il rédige en 1941, avec Ernesto Rossi, le manifeste fédéraliste de Ventotene.

A la chute de Mussolini, il crée en 1943 le “Movimento federalista Europeo” (Mouvement fédéraliste européen, MFE) dont il devient le secrétaire général jusqu’en 1962. Altiero Spinelli joue notamment un rôle majeur dans la genèse du projet de Communauté européenne de défense (CED) en proposant que son Assemblée commune reçoive un mandat à caractère constituant. Autrement dit, cette Assemblée serait chargée de créer une constitution.

Après le refus de la France de ratifier le projet en 1954, il continue de croire possible l’accord des pays européens sur un projet fédéral. Dans le discours qu’il prononce en 1957 au Congrès du peuple européen à Turin, Altiero Spinelli met en question avec véhémence la légitimité de l’Etat-nation. Il abandonne le MFE dans les années 1960, entre à la Commission des Communautés européennes en 1970, puis au Parlement européen, où il siègera de 1976 à 1986. Il participe alors activement à la montée en puissance de l’institution qui gagne en compétences sur les plans législatif et budgétaire.

Joseph Bech, Johan Willem Beyen et Paul-Henri Spaak

Johan Willem Beyen, Gaetano Martino, Joseph Bech, Antoine Pinay, Walter Hallstein et Paul-Henri Spaak (1955) - Crédits : Commission européenneDe gauche à droite : Johan Willem Beyen, ministre néerlandais des Affaires étrangères ; Gaetano Martino, ministre italien des Affaires étrangères ; Joseph Bech, président du gouvernement luxembourgeois, ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur et de la Viticulture ; Antoine Pinay, ministre français des Affaires étrangères ; Walter Hallstein, secrétaire d’Etat au ministère fédéral allemand des Affaires étrangères ; Paul-Henri Spaak, ministre belge des Affaires étrangères (1955) - Crédits : Commission européenne

Après l’échec, en août 1954, du projet de Communauté européenne de défense (CED), la conférence de Messine de 1955 permet de relancer la dynamique européenne. Présidée par le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois Joseph Bech, et se tenant du 1er au 3 juin 1955, elle réunit l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.

C’est lors de cette conférence notamment que le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Johan Willem Beyen, présente le plan Beyen. Son projet part du principe que la coopération dans le domaine du charbon et de l’acier ne suffit pas et qu’une coopération économique totale est nécessaire. Il soutient donc la solution d’un marché commun général, sur le modèle de la coopération entre la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.

C’est également à l’occasion de la conférence de Messine que le Belge Paul-Henri Spaak est nommé à la tête du comité des experts chargé d’élaborer un projet de Marché commun européen. Nourrie des différentes idées des participants, la conférence de Messine débouche sur la signature des traités de Rome en mars 1957, instaurant la Communauté économique européenne et Euratom.

Le couple Adenauer-de Gaulle

Charles de Gaulle (à gauche) et Konrad Adenauer (à droite) - Crédits : Egon Steiner / Bundesarchiv CC-BY-SA 3.0Charles de Gaulle (à gauche) et Konrad Adenauer (à droite) - Crédits : Egon Steiner / Bundesarchiv CC-BY-SA 3.0

Charles de Gaulle et Konrad Adenauer ont respectivement occupé le pouvoir pendant 10 et 14 ans, mais les deux hommes ne se sont “croisés” que pendant 5 ans, de 1958 à 1963. Principales figures de l’après-guerre dans leurs pays, le président français et le chancelier de la République fédérale d’Allemagne ont joué un rôle incontournable dans la pacification puis le rapprochement rapide de leurs deux nations à partir des années 1950.

Avant l’instauration de la Ve République en 1958 et l’arrivée du général de Gaulle à la présidence de la République, Konrad Adenauer, qui est chancelier depuis 1949, collabore avec Robert Schuman et Guy Mollet. Avec le premier, il lance la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). Et aux côtés du second et des dirigeants belge, italien, luxembourgeois et néerlandais, il signe le traité de Rome.

Mais si les débuts de la construction européenne s’effectuent à six, le rapprochement franco-allemand devient rapidement le moteur principal du processus. L’amitié entre Charles de Gaulle et Konrad Adenauer est facilitée par le passé commun des deux dirigeants d’opposants inflexibles au nazisme. Ensemble, ils signent le traité de l’Elysée le 22 janvier 1963, qui met un terme définitif aux conflits meurtriers entre les deux pays et qui officialise une coopération dans de nombreux domaines, allant de l’économie aux affaires étrangères.

Et les femmes ?

Louise Weiss (1980) - Crédits : Parlement européenLouise Weiss (1980) - Crédits : Parlement européen

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, aucune femme n’occupe de poste important au sein des six membres fondateurs de la CECA et de la CEE. Ceci explique qu’il n’existe pas de “mère fondatrice de l’Europe” .

Il faut toutefois souligner le rôle pionnier joué par Louise Weiss, qui fonde dès 1919 la revue de politique française et internationale L’Europe Nouvelle qu’elle dirigera jusqu’en 1934. Dans sa revue, la journaliste soutient les voies nouvelles explorées pour réconcilier les pays européens et empêcher une nouvelle guerre : la coopération entre les Etats par l’intermédiaire de la Société des Nations, le rapprochement franco-allemand, le désarmement et les projets d’Union européenne.

(Beaucoup) plus tard, la Française Simone Veil fera partie des principaux “continuateurs” de l’idée européenne. Première présidente en 1979 du Parlement européen élu au suffrage universel, elle défend avec force et énergie une conception supranationale de la construction européenne.

Simone Veil présidant la première session du Parlement européen en 1979 - Crédits : Commission européenneSimone Veil présidant la première session du Parlement européen en 1979 - Crédits : Commission européenne

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