Toute L'Europe – Comprendre l'Europe

EU-Talk n° 18 avec Maxime David sur les élections britanniques

Le 7 mai prochain, les Britanniques sont appelés à se rendre aux urnes afin de renouveler les 650 membres de la Chambre des Communes. Temps fort de la vie politique britannique, ces élections ont un enjeu capital : le poste de Premier ministre. En lice : David Cameron, Premier ministre conservateur sortant, brigue un second mandat. Face à lui, le chef de l’opposition Ed Miliband, leader du parti travailliste, et Nigel Farage, chef de file du United Kingdom Independence Party (UKIP), s’opposent à l’actuel chef du gouvernement dans la course à l’élection.

Quels sont les enjeux de ces élections ? Après cinq ans au pouvoir, quel est le bilan de David Cameron ? Comment fonctionne le système électoral ? Après l’entrée triomphale du UKIP au Parlement européen en mai dernier, Nigel Farage est-il une menace ? Quelle est la place de l’Europe dans les débats ?

Maxime David

Maxime David a travaillé comme chef de projet au sein du think tank EuropaNova. A la veille des élections européennes de mai 2014, il a notamment mené un programme de débats et de rencontres entre des lycéens et des élus français et européens. Diplômé de science politique et d’affaires européennes à la Sorbonne, il vit actuellement à Édimbourg où il étudie la progression du mouvement indépendantiste.

Retrouvez le contenu du chat ici :

14h56 Toute l’Europe :
Bonjour,
Le chat va bientôt commencer !

15h22 Maxime David
Bonjour à tous

15h24 Commentaire de la part de Dimitri
Bonjour Monsieur, Y a-t-il un candidat / parti favori ? Quels sont les partis en concurrence ?

15h24 Maxime David :
Bonjour Dimitri, effectivement il y a plusieurs partis en lice pour cette élection
Le système politique britannique s’est jusqu’ici organisé autour de deux principaux partis : les Conservateurs et les Travaillistes.
Jusqu’en 2010, chacun de ces deux partis avait obtenu la majorité suffisante pour gouverner sans coalition
Mais les choses évoluent et aujourd’hui le système politique britannique bascule vers un modèle davantage pluraliste.
Quant au favori, les sondages sont jusqu’ici très incertains.
Il y a une distinction majeure à faire entre le nombre de voix obtenues qui donne les conservateurs légèrement en tête jusqu’ici, avec le nombre de circonscriptions gagnées. Ce dernier calcul placerait les Travaillistes nettement favoris.

15h29 Commentaire de la part de Santa
Quel bilan peut-on faire des années Cameron ?

15h30 Maxime David :
Il est toujours difficile d’analyser objectivement le bilan d’un gouvernement.
Cependant si l’on s’en tient aux indicateurs économiques, les résultats semblent plutôt bons pour l’actuel Premier ministre.
Le taux de chômage est l’un des plus bas de l’Union européenne. et le taux de croissance plaçait le Royaume-Uni au premier rang des pays occidentaux en 2014.
Cependant des nuances sont à apporter à ces chiffres. Notamment en ce qui concerne le niveau de précarité des travailleurs.
Par ailleurs, aujourd’hui sont tombées les première estimations de croissance pour le dernier trimestre et les chiffres montrent un net ralentissement de l’économie britannique qui fait même moins bien que la zone euro. Bien sûr ce résultat tombe au plus mal pour David Cameron à une semaine du scrutin.

15h34 Commentaire de la part de Michou
Bonjour, On parle souvent du morcellement du paysage politique britannique : quels en sont les symptômes ?

15h35 Maxime David :
Le symptôme le plus évident sont les sondages qui à une semaine du scrutin ne donnent aucun des partis en compétition comme capable de former un gouvernement majoritaire
Le deuxième c’est la forte poussée des partis dits nationalistes ou indépendantistes. Que ce soit les partis indépendantistes des provinces d’Ecosse, d’Irlande du Nord ou de Pays de Galle mais aussi le parti Ukip.
Le gouvernement de coalition semble devenir la norme à présent. Bien qu’à l’heure actuelle aucune configuration ne semble acquise tant les résultats sont serrés.

15h38 Commentaire de la part de Gary
Bonjour, Si aucun parti obtient une majorité, faut-il laisser tomber le scrutin majoritaire en faveur du système mixte qui fonctionne déjà en Écosse, au Pays de Galles et en Allemagne pour tenir compte du fait que ni Labour ni les Conservatives sont plus capables de gouverner seul ?

15h39 Maxime David :
Il faut avoir en tête l’extrême complexité du paysage politique britannique. L’objectif premier du système majoritaire pour Westminster est justement de pouvoir créer des majorités parlementaires claires à l’issue du scrutin.
Si l’on prend l’exemple du mode de scrutin pour le Parlement écossais, les choses sont différentes.
Ici l’enjeu au départ était justement de rendre une majorité gouvernée par un seul parti quasiment impossible. Avec des sièges pour les circonscriptions et d’autres sièges pour les régions d’Ecosse, le tout avec une bonne part de proportionnelle.
Or, ce qui se passe en Ecosse depuis 2007, c’est une ascension incroyable du Parti National Ecossais. A tel point qu’en 2011, malgré toutes les protections mises il a réussi à obtenir la majorité absolue à lui tout seul.
Cela prouve que c’est davantage l’attractivité que peut provoquer un parti politique plus que le mode de scrutin lui-même qui permet de dégager des majorités gouvernables.

15h44 Commentaire de la part de David
Quelle est la position du SNP vis-à-vis d’un référendum : on les dit pro-européens, mais un référendum avec la victoire du “non” pourrait servir leur désir d’indépendance, non ?

15h45 Maxime David :
La position officielle du SNP est d’être contre l’organisation d’un référendum sur une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Cependant, force est de constater que cette idée travaille en profondeur l’électorat britannique. Ainsi, aucun ne se risque à balayer cette idée de consultation démocratique d’un revers de la main.
Tout dépendra de la ré-élection ou non de David Cameron. Mais le SNP a été très clair, sachant que les Ecossais se prononceraient pour un maintien si un tel référendum devait avoir lieu, le Gouvernement écossais - dirigé par le SNP - refuserait d’être embarqué dans une sortie si les Britanniques le décidaient. Après, à voir quels recours juridiques s’offriraient à eux.

15h48 Commentaire de la part de Bryan
Bonjour, L’Europe est-elle un sujet important de cette campagne électorale ?

15h49 Maxime David :
C’est un sujet. Ce qui est déjà étonnant en soi.
Ce n’est cependant pas le sujet majeur. Les Britanniques étaient bien davantage intéressés par l’avenir de la politique fiscale et des services publics.
Après il faut voir comment le sujet européen est mis en avant. C’est avant tout par le prisme de l’immigration.
Qu’il s’agisse de l’immigration de travail en premier lieu. Avec cette idée que la pression migratoire met en danger à la fois le taux de chômage mais également les équilibres budgétaires.
Ou qu’il s’agisse aussi des migrants clandestins. Et là l’actualité de ces derniers jours avec les nombreux naufrages en Méditerranée joue un rôle majeur. Néanmoins il faut relativiser la place que l’Europe occupe dans ce scrutin.
Les conservateurs eux-mêmes, finalement peu à l’aise avec leur propre idée de référendum évitent de mettre trop en avant ce sujet.
En revanche c’est bien sûr le thème de campagne principal du parti UKIP.

15h54 Commentaire de la part de Violette
Bonjour Monsieur, Pour contrer Farage, Cameron joue la carte de l’euroscepticisme : est-ce un argument de poids auprès de l’électorat britannique ?

15h55 Maxime David :
Oui dans le sens où les Britanniques ont toujours été audibles aux critiques faites à l’UE.
Cependant il faut là aussi relativiser l’euroscepticisme des Britanniques. A la fois par un filtre social bien sûr mais aussi géographique.
En effet, si l’on regarde la carte du Royaume-Uni on constate que ce sont en majorité les Anglais qui manifestent la plus grande hostilité à l’UE.
Cependant un sondage paru cette semaine montre que si le référendum avait lieu aujourd’hui, 58% des électeurs voteraient pour un maintien.
Enfin il faut vraiment prendre de la distance sur le score que le parti UKIP va faire la semaine prochaine. Et j’en reviens à la distinction nécessaire entre nombre de voix et nombre de sièges obtenus. Les sondages apportent à UKIP autour de 14% d’intentions de vote. Cependant il risque de remporter qu’une seule voire deux circonscriptions. De quoi relativiser sa future influence sur le Parlement britannique.

16h01 Commentaire de la part de Esteban
Bonjour, L’immigration a été très présente dans l’actualité : est-ce que ça peut avoir un impact sur le vote ? L’immobilisme de l’Union sur le sujet peut-il encourager au vote eurosceptique ?

16h02 Maxime David :
L’actualité autour de l’immigration a essentiellement tournée autour des naufrages en Méditerrannée. Or c’est une problématique qui ne concerne qu’indirectement le Royaume-Uni et ce pour une raison géographique évidente.
Cependant bien sûr ce sujet a fait l’actualité et s’est invité dans la campagne. Aujourd’hui encore Nigel Farage a fait le lien entre ces flux massifs d’immigrés clandestins et le risque de propagation du risque terroriste au Royaume-Uni via les filières de l’Etat Islamique.
Mais il est vrai que les discours très durs de David Cameron sur les politiques migratoires de l’UE résonnent fortement dans l’électorat.

16h06 Commentaire de la part de Ulrich
Grand vainqueur des dernières élections européennes, Farage est-il une menace pour Cameron ? Une 3e force ?

16h07 Maxime David :
Il est une menace dans le sens où il polarise le discours politique sur des sujets particuliers : l’UE, l’immigration, etc.
Ce n’est pas une menace directe en termes de sièges pour Westminster. De plus, aucune alliance n’est envisageable entre les Tories de David Cameron et l’UKIP. Et encore une fois, l’influence du parti de Farage au Parlement de Londres sera minime. Sa vraie force est bien de forcer les conservateurs comme les autres partis à se positionner sur des sujets plus radicaux.

16h09 Commentaire de la part de Tania
bonjour : la stratégie de Cameron, mettant en avant le rejet de l’Europe et de l’immigration, n’a-t-elle pas quelque part affaibli UKIP ?

16h10 Maxime David :
Non au contraire et c’est là l’erreur dont David Cameron est accusé.
Sa stratégie de durcir son discours sur les thèmes phares de l’UKIP n’a fait que donner encore davantage de visibilité à ces questions. Forçant même les autres partis, dont en premier lieu le Parti Travailliste, à réagir sur l’immigration par exemple.
Mais il est vrai que UKIP stagne dans les sondages ces dernières semaines. De plus, là encore une distinction géographique doit s’opérer car UKIP est quasiment inexistant en Ecosse.

16h13 Commentaire de la part de S. Connery
Bonjour Monsieur, Le SNP pourrait finir victorieux en Ecosse : quels sont les arguments qui ont fonctionné dans sa campagne ?

16h14 Maxime David :
Ce qui est frappant ici en Ecosse, ce que le SNP n’a quasiment besoin de rien faire ou promettre pour s’assurer d’un soutien majeur de l’opinion.
Les effets du référendum sont ici flagrants.
Il faut savoir que l’Ecosse est traditionnellement un terre travailliste. Or le Labour ne risque de remporter que 2 voire aucune des 59 circonscriptions d’Ecosse. Ce sera quoi qu’il arrive une défaite historique pour le Parti Travailliste en Ecosse.
C’est avant tout le soutien du Labour pour le “non” aux côtés des conservateurs qui l’a considérablement éloigné de l’électorat écossais.
Les arguments du SNP sont principalement d’œuvrer à la poursuite des réformes de dévolutions promises à l’issue du référendum. En tant que parti indépendantiste, il n’a pas vocation à développer une politique à l’échelle du Royaume-Uni.
Son programme est cependant clairement contre les politiques d’austérité.

16h18 Commentaire de la part de Domi
Le RU n’est-il pas un peu dans la même situation que la France, avec des partis en perte de vitesse et la poussée de la droite populiste anti Europe ?

16h20 Maxime David :
Dans une certaine mesure, oui. Il y a des similarités dans les évolutions que traversent les systèmes politiques français et britanniques.
Les partis de gouvernement et le bipartisme s’estompent et sont en perte de vitesse. Par contre, il serait risqué de comparer les discours populistes entre les deux pays.
Ce que l’on appelle l’extrême droite en France est au Royaume-Uni très minoritaire. Très loin des scores du Front national par exemple. Et UKIP a une position bien particulière. Certes, conservateurs et eurosceptiques, sinon europhobes, comme le Front National mais par exemple leur politique économique est très divergentes.
Cependant il est indéniable que de profondes mutations sont à l’œuvre au sein de l’électorat. A la fois sociales bien sûr, mais aussi générationnelles.
On constate comme en France des taux de participation en baisse. Cette élection ne suscite pas de réel enthousiasme malgré les enjeux qui sont considérables.
Mais il y a aussi un paradoxe qui concerne les jeunes. De moins en moins fidèles à un parti et de plus en plus abstentionnistes. Mais on constate également un niveau de politisation en hausse. C’est particulièrement vrai en Ecosse par exemple.
Encore un effet du référendum où la participation en septembre a atteint un niveau record, presque 85%. De plus le scrutin avait été exceptionnellement ouvert aux jeunes dès 16 ans.
Le nombre d’adhérents au SNP est passé de 25 000 à plus de 100 000 en quelques mois. Avec parmi les nouveaux membres, beaucoup de jeunes.
Cela traduit, selon moi, une évolution dans la manière d’appréhender la politique. L’abstention croissante témoigne moins d’une lassitude de la politique que d’une exaspération de la classe politique actuelle.

16h29 Commentaire de la part de Atchoum
Bjr, Ces élections sont-elles populaires au Royaume-Uni ? Peut-on s’attendre à une forte abstention ?

16h30 Maxime David :
Non clairement ces élections ne soulèvent pas les foules si on peut dire. Cependant, il est toujours difficile de prévoir a priori les taux de participation à un scrutin.
Mais il serait étonnant que le taux de participation soit particulièrement élevé. En particulier chez les jeunes. Un sondage paru au début de la campagne montrait que parmi les 18-24 ans, seuls 47% se disaient certains d’aller voter.
Donnée intéressante dans ce même sondage, 63% d’entre eux estimaient que la possibilité de voter par internet serait un bon moyen d’augmenter la participation.
Dernier élément, même si ces élections, par leur importance, peuvent être comparées aux élections présidentielles en France, le mode de scrutin rend leur perception totalement différente.
Premièrement la personnalisation est moins forte même si elle reste essentielle car les leaders sont clairement identifiés.
Deuxièmement, on vote non pas pour David Cameron ou pour Ed Miliband mais pour le député de sa circonscription. Il y a donc également des enjeux locaux à prendre en compte.

16h36 Commentaire de la part de Alex
bonjour Monsieur, que se passe-t-il si aucun parti n’arrive à gouverner seul ou à former une coalition suffisante ? De nouvelles élections ?

16h36 Maxime David :
Excellente question. Non, de nouvelles élections semblent improbables.
Cependant il apparait déjà clairement qu’un seul parti ne serait vraisemblablement pas capable de former un gouvernement majoritaire à lui tout seul.
Les configurations de coalitions envisagées apparaissent encore très aléatoires. Une coalition entre le Labour et le SNP a été clairement rejetée par les deux partis concernés.
La solution pourrait encore une fois venir du Parti Libéral-Démocrate. Même si ce dernier devrait perdre une bonne partie de ses sièges. Mais le parti s’est d’ores et déjà présenté comme ne fermant aucune porte.
Dernière solution, qui semble à l’heure actuelle la plus probable, celle d’un gouvernement minoritaire.
A ce jeu-là c’est bien le Labour party qui a le plus de chances d’y parvenir. Le SNP a déclaré publiquement qu’il était prêt à soutenir, hors coalition, un gouvernement travailliste.
La confiance au Gouvernement serait ainsi négociée sur la base d’un vote de soutien au cas par cas. Ce qui assurerait à la fois au SNP et aux Libéraux-Démocrates une influence considérable sur le potentiel futur gouvernement travailliste.
Une seule chose est sûre, la nuit du 7 mai prochain sera très longue à Westminster.

16h45 Toute l’Europe :
Le chat est maintenant terminé ! Merci à Maxime David pour sa participation et merci à vous de l’avoir suivi !

Votre avis compte : avez-vous trouvé ce que vous cherchiez dans cet article ?

Pour approfondir

À la une sur Touteleurope.eu

Flèche

Participez au débat et laissez un commentaire

Commentaires sur EU-Talk n° 18 avec Maxime David sur les élections britanniques

Lire la charte de modération

Commenter l’article

Votre commentaire est vide

Votre nom est invalide