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EU-Talk avec Philippe Huberdeau, auteur de “La construction européenne est-elle irréversible ?”

Le 23 juin 2016, les Britanniques votaient à 52% pour une sortie de l’Union européenne. Grande première dans l’Histoire de l’Union, le Brexit pose la question de la réversibilité de la construction européenne. A l’occasion des 60 ans des traités de Rome, les discussions sur l’avenir de l’Union européenne et les perspectives de relance se font ainsi nombreuses.

Toute l’Europe vous propose d’échanger en direct sur ces questions jeudi 23 mars de 15h à 16h avec Philippe Huberdeau, conseiller des Affaires étrangères, administrateur à la Commission européenne et auteur du livre “La construction européenne est-elle irréversible?” paru à la Documentation française.

Philippe Huberdeau

Dans cet ouvrage, Philippe Huberdeau s’interroge sur la robustesse économique, juridique et économique de l’édifice européen face à la série de crises (terrorisme, pression migratoire, montée des populismes et dérèglements financiers) à laquelle il est aujourd’hui confronté. A la lumière de soixante ans d’histoire européenne, il donne une vision synthétique des débats sur le processus de retrait du Royaume-Uni et lance une réflexion sur l’avenir de l’Union européenne.

Retrouvez ci-dessous le transcript de ce chat :

14h42 Toute l’Europe :
Bonjour, Le chat commencera dans 15 minutes. Préparez vos questions !

14h56 Philippe Huberdeau :
Bonjour,
Je suis heureux d’échanger avec vous.
Mes commentaires n’engageront que moi et pas le gouvernement français.

15h00 Commentaire de la part de Ali
Comment expliquez-vous le vote du Brexit ? Qui sont les responsables ?

15h01 Philippe Huberdeau :
Votre question semble impliquer que le vote du Brexit est une faute.
L’ensemble des Européens regrette de voir le RU quitter l’UE mais c’est le choix souverain et démocratique des Anglais que nous devons respecter.
Ceci dit, les explications sont nombreuses et complexes.
Elles sont notamment à rechercher du côté du sentiment anti-immigration alimenté par la paupérisation d’une partie de la population anglaise.

15h03 Commentaire de la part de Lucie
Peut-on vraiment considérer le Brexit comme un symptôme de la crise que traverse l’UE ? N’est-ce pas plutôt un phénomène à part à rattacher à la politique de l’ « Europe à la carte » pratiquée de longue date par le Royaume-Uni ?

15h05 Philippe Huberdeau :
Il y a une combinaison de facteurs liées au fait que le Royaume-Uni a toujours été “à part” dans l’UE et de facteurs internes au RU.
La presse tabloïd a aussi joué un rôle non-négligeable en entretenant le sentiment anti-européen.
Après, on ne peut nier que les difficultés traversées récemment par l’UE n’ont pas incité non plus les Britanniques à rester dans l’UE.

15h06 Commentaire de la part de Raoul89
Pensez-vous que le Brexit aura un effet domino ? L’UE survivrait-elle à la sortie d’un 2ème pays ?

15h07 Philippe Huberdeau :
La théorie de l’effet domino n’est pas confirmée par ce qui s’est passé depuis le référendum au UK.
Aucun gouvernement des 27 n’envisage aujourd’hui une sortie de l’UE.
L’attachement à l’UE a plutôt été augmenté dans les sondages depuis le 23 juin
Dans les trois scrutins qui ont eu lieu depuis le 23 juin en Espagne, en Autriche, et aux Pays-Bas ce sont les partis pro-européens qui l’ont emporté.
Ceci le risque ne peut être complètement ignoré et les conséquences seraient très graves pour l’UE.

15h10 Commentaire de la part de Julien
Quelles conséquences concrètes attendre du Brexit ? Quelles relations possibles entre l’UE et le Royaume-Uni ?

15h11 Philippe Huberdeau :
les négociations n’ont pas encore commencé, elles commenceront officiellement le 29 mars
En bon négociateur, le RU reste très discret à ce stade sur ses intentions et ses objectifs.
Le champ des scénarios possibles pour la relation future entre l’UE et le RU reste donc assez large.
On semble cependant s’acheminer vers un accord de libre échange comme ceux que l’UE a avec certains pays tiers, puisque T May a clairement dit qu’elle souhaitait mettre fin à la libre circulation des personnes et à la juridiction de la CJUE

15h15 Commentaire de la part de Myriam
Comment l’Europe peut-elle sortir par le haut du Brexit ?

15h15 Commentaire de la part de Sam
Le Brexit ne permet-il pas au contraire de débloquer l’Union européenne ? On voit par exemple que la défense européenne progresse bien plus vite maintenant que le Royaume-Uni s’apprête à en sortir.

15h16 Philippe Huberdeau :
Cela ouvre effectivement une fenêtre d’opportunité pour une relance européenne autour du couple franco-allemand
L’Europe de la défense semble prête à sortir après des années de léthargies. L’élection de D Trump peut également contribuer à une prise de conscience et à un sursaut
Des premières pistes ont été ébauchées au sommet du Bratislava. Il faudra lire attentivement la déclaration adoptée par les 27 lors du 60ème anniversaire du traité de Rome le 25 mars

15h19 Commentaire de la part de Cécile
A l’origine, le but de l’UE était de pacifier le continent européen. Quel est aujourdhui son but ?

15h20 Philippe Huberdeau :
C’était effectivement l’un des objectifs principaux au début dans les années 1950, mais cet objectif avait un peu été perdu de vus par la suite car l’équilibre est-ouest et le parapluie américain garantissait la sécurité de l’UE.
Aujourd’hui, alors que D Trump semble vouloir se désengager du continent européen, et que des menaces réapparaissent à nos frontières (conflit en Ukraine, tensions dans les Balkans), la paix et la sécurité peuvent se retrouver à nouveau au cœur du projet européen.
Cela ne peut évidemment pas être le seul but de l’UE qui s’est aussi construite autour d’objectifs de prospérité et de défense de la démocratie et des droits de l’homme. Là encore, la déclaration des 27 à Rome le 25 mars sera déterminante.

15h24 Commentaire de la part de Visiteur
La montée généralisée des partis populistes n’est-elle pas directement liée aux dysfonctionnements de l’UE ?

15h26 Philippe Huberdeau :
Comme le montre l’élection de D Trump, on assiste en fait dans le mode entier à une montée du populisme et du protectionnisme en réaction au creusement des inégalités.
D’une certaine manière on pourrait inverser votre proposition. N’est-ce pas plutôt la montée des partis populiste qui est en grande partie à l’origine des dysfonctionnements de l’UE ?
L’UE ne peut fonctionner que si ses Etats-membres acceptent de jouer un jeu coopératif et reconnaissent l’existence d’un “intérêt général européen” . Sinon c’est le retour au chacun pour soi et à la fermeture des frontières

15h28 Commentaire de la part de Christophe
Est-ce que les derniers attentats terroristes en Europe dont celui de Londres contribuent à disloquer l’Europe ? Quelles réponses collectives à apporter ?

15h30 Philippe Huberdeau :
Ces attentats s’attaquent au modèle de société ouverte et démocratique qui est au cœur de l’identité européenne.
Les Etats membres ont jusqu’à présent globalement réagi de manière ferme et solidaire.
Des tentations existent de refermer les frontières intérieures de l’espace Schengen ce qui n’est pas la solution d’un point de vue opérationnel.
La vraie solution passe par un partage d’information plus large et plus fluide entre services de renseignements européens, mouvement déjà amorcé.

15h33 Commentaire de la part de Roeli
Quand les citoyens européens sauront ils ce que chaque “élus” vote ? Cela éviterait (peut être) que ceux-ci ne jettent la pierre sur l’Europe quand ça leur arrange. En résumé, vive la transparence !

15h33 Commentaire de la part de iSmael

« La construction européenne est-elle irréversible ? ». La vraie question, c’est pas plutôt construire ou déconstruire l’Europe ? Ok il y a des crises, mais le problème est-il pas la volonté politique - je parle des partis politiques qui veulent gagner des votes en accusant l’UE.

15h35 Philippe Huberdeau :
Il y a effectivement de la part de nombreux responsables politiques nationaux un double-langage sur l’Europe qui déforme la perception que peuvent en avoir les citoyens.
Comme par exemple de critiquer des décisions de l’UE que leurs représentants au Conseil ont adoptées.
Le nombre de décisions adoptées au niveau européen contre la volonté du gouvernement français (i.e. une mise en minorité de celui-ci) est en fait très faible.
L’UE est un bouc émissaire facile pour tout ce qui ne va pas même quand cela ne rentre pas dans ses compétences.
La réponse est un changement de discours politique. La période actuelle peut-être propice à ce changement.

15h38 Commentaire de la part de Lola
Pensez-vous qu’une adhésion de la Turquie à l’UE est-elle toujours d’actualité ?

15h40 Philippe Huberdeau :

Les négociations d’adhésion de la Turquie n’ont pas été rompues mais elles sont mises à rude épreuve par l’évolution autoritaire du gouvernement turc depuis la tentative de coup d’Etat de l’été dernier.
C’est un débat très difficile que les 28, bientôt 27, doivent avoir collectivement.
A titre personnel, j’ai toujours pensé que si les négociations devaient déboucher un jour sur l’adhésion de la Turquie cela ne se ferait pas avant 20 ou 30 ans

15h42 Commentaire de la part de Quelqu’un
Quand on voit comment on traite la Grèce, ne vaut-il pas mieux mettre un terme à la construction européenne que d’opprimer certains de ses peuples ?

15h44 Philippe Huberdeau :
La Grèce est mise à très rude épreuve et parallèlement aux difficiles négociations sur la dette, l’UE pourrait sans doute faire plus en termes d’aide concrète et de soutien politique.
Mais la sortie de l’UE (ou de l’euro) n’est pas la solution. Les Grecs eux-mêmes ne le souhaitent pas.
Le fonctionnement de la troïka FMI-BCE-Commission qui a été mise sur pied dans l’urgence n’est pas satisfaisant et doit être profondément revu. Aujourd’hui tous les acteurs le reconnaissent : la Grèce mais aussi le FMI, la BCE et la Commission

15h47 Commentaire de la part de tom84
La question de l’irréversibilité de la construction européenne n’est-elle pas secondaire par rapport à la question de son infaisabilité actuelle ? Ne devons-nous pas envisager pour l’instant de stopper les élargissements voire de revenir sur certaines adhésions ?

15h47 Commentaire de la part de tom84
Que pensez-vous des récentes propositions sur une Union européenne à plusieurs vitesses soutenues par certains candidats à la présidentielle française ?

15h49 Philippe Huberdeau :
L’idée de l’Europe à plusieurs vitesses revient effectivement dans le débat. Elle a été évoquée dans la résolution adoptée par le PE dès le lendemain du référendum du 23 juin, et elle été abordée récemment par les dirigeants des 27 lors du sommet de Malte.
Il y a des réticences de certains pays qui ont peur de devenir des Etats membres de “seconde classe” .
La seule façon de répondre à ces craintes est de se mettre d’accord sur des objectifs partagés et sur le fait que les “coopérations renforcées” resteront ouvertes aux Etats qui peuvent et veulent les rejoindre.
Cela implique cependant de développer à nouveau un discours politique sur la finalité du projet européen, discours qui avait été largement abandonné depuis l’échec du référendum sur la Constitution en 2005.

15h52 Commentaire de la part de Alice

Concrètement, quelle forme juridique pourrait prendre l’UE à plusieurs vitesses ? Aujourd’hui les possibilités existent via la coopération renforcée mais elle a donné peu de résultats (brevet, divorce). Faudrait-il changer de traités ?

15h53 Philippe Huberdeau :
Il existe en fait de nombreuses possibilités dans les traités, hors des traités, ou “en lisière” des traités.
Par exemple, l’UE vient de donner son feu vert à l’élaboration d’un “procureur européen” dans le cadre d’une coopération renforcée.
La zone euro ou encore l’Europe de la défense offrent également de larges possibilités de coopération renforcée sans pour cela devoir nécessairement réviser les traités.

15h56 Commentaire de la part de Marie-France
Parmi les autres scénarios envisagés par la Commission dans son livre blanc, l’idée de faire “moins mais mieux” , que l’UE recentre ses compétences sur certaines priorités… cela vous paraît-il souhaitable ? possible ? sur quelles priorités ?

15h58 Philippe Huberdeau :
Cette idée me semble dangereuse. Il serait paradoxal de vouloir relancer l’Europe en commençant pas détricoter ce qui a été fait.
Alors que l’UE a de nombreux défis à affronter et que la négociation du Brexit va mobiliser beaucoup de moyens, les ressources seraient mieux employées à renforcer le fonctionnement de la zone euro, la coopération policière et judiciaire, l’Europe de la défense, plutôt qu’à rentrer dans un débat technique et fastidieux sur les compétences que l’UE devrait abandonner.
Ce scénario n’est qu’un parmi les cinq que la Commission présente dans son livre blanc. Elle n’exprime d’ailleurs à ce stade aucune préférence pour l’un ou l’autre scénario ce qui en fait plutôt un “livre vert” qu’un “livre blanc”

16h02 Commentaire de la part de François
Bonjour Mr Huberdeau, Ne pensez-vous pas que l’Union Européenne devrait amorcer un réel esprit de concurrence (fiscale, économique, institutionnelle, etc.) sur son territoire et un esprit de libre-entreprise plutôt que d’être l’Europe de la sur-régulation ? Par ailleurs, pensez-vous qu’un vrai virage se tournera vers le peuple (en passant par, en amont, la pédagogie et, en aval, la prise en considération) ? Car qui connaît l’initiative citoyenne européenne aujourd’hui ? Très peu de monde

16h03 Philippe Huberdeau :
Sur votre premier point : Il faut bien sûr éviter que la réglementation impose une charge administrative excessive aux entreprises, mais certaines règles sont nécessaires.
C’est l’absence de règles qui explique en grande partie la crise financière de 2007/2008.
On peut difficilement taxer la Commission de ne pas vouloir promouvoir l’esprit de concurrence alors que c’est au cœur du concept de marché unique.
La concurrence fiscale est plus contestable car elle incite les Etats au dumping fiscal et les entreprises à optimiser leur fiscalité plutôt qu’à innover. Une concurrence saine passe par un minimum de “level playing field” en matière fiscale.
Sur votre deuxième point : Entièrement d’accord, l’initiative citoyenne européenne est trop peu connue et trop peu utilisée.
Un accroissement des pouvoirs du PE inciterait aussi les citoyens européens à s’intéresser davantage aux élections européennes et aux débats européens.

16h10 Toute l’Europe :
C’est l’heure de conclure ! Une dernière question à Mr Huberdeau.

16h10 Commentaire de la part de Visiteur
Ne croyez-vous pas qu’une bonne partie de la crise que rencontre l’union européenne aujourd’hui est liée à l’absence d’appropriation des sujets européens par les dirigeants politiques nationaux ?

16h11 Philippe Huberdeau :
Entièrement d’accord, les dirigeants nationaux devraient davantage s’intéresser au fonctionnement et aux enjeux de l’UE.
Les débats politiques au niveau national et européen sont encore trop déconnectés alors que les enjeux sont indissociables.
Le terrorisme, la lutte contre le chômage, le changement climatique, sont des défis qui ne peuvent être affrontés que par une coopération étroite entre l’UE et ses Etats membres.
Merci beaucoup pour cet échange très intéressant. Je vous invite à me retrouver et à poursuivre l’échange de vive voix lundi prochain au Salon de Livre sur la scène agora de 15h30 à 16h30 !

16h15 Toute l’Europe :
Le chat est terminé. Merci à tous pour vos questions et un grand merci à M. Huberdeau pour s’être prêté à l’exercice !



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