Education, santé et nucléaire plutôt que Brexit
Le 5 mai, trois des quatre “nations constituantes” du Royaume-Uni sont appelées aux urnes pour renouveler leurs parlements locaux : l’Ecosse, l’Irlande du Nord et le Pays de Galles. Cas (encore plus) particulier, l’Angleterre, elle, ne dispose pas d’un parlement spécifique en plus de celui commun de Westminster.
Et après le référendum d’autodétermination de 2014 et le triomphe du Parti national écossais (SNP) lors des élections générales de 2015, tous les yeux seront rivés sur Edimbourg jeudi. Pourtant, en dépit de l’inclination pro-européenne de l’Ecosse, le thème du Brexit est pour l’heure loin de s’imposer dans la campagne électorale régionale. Ce sont en réalité davantage les thématiques locales qui structurent le débat.
Le Pays de Galles est dirigé depuis la dévolution en 1999 par le Parti travailliste. Le First Minister sortant, Carwyn Jones, pâtit de l’usure du pouvoir et a proposé une alliance aux autres formations de gauche. Sans succès. Néanmoins crédité d’un tiers des voix, M. Jones est critiqué pour sa politique d’éducation et de santé. Le UKIP pourrait faire son entrée au parlement régional gallois.
On y parle en effet plutôt du budget pour l’éducation, du système de santé, de lutte contre la pauvreté, ou encore de l’avenir du programme de sous-marins nucléaires Trident basé à Glasgow. Et pour cause, qu’ils soient de gauche ou de droite, eurosceptiques ou non, chaque parti politique a ses raisons pour ne pas mettre l’Europe sur le tapis.
D’abord pour une raison simple : aucun parti en course en Ecosse ne soutient officiellement la sortie du Royaume-Uni de l’UE hormis le UKIP - Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni. Marginal dans la région, ce dernier n’est crédité de la victoire que d’un seul siège au maximum sur les 129 que compte Holyrood, le Parlement écossais. Dans ces conditions, à quoi bon perdre du temps de parole sur un sujet qui ne clive pas ?
Le Labour et les Tories au coude à coude pour… la 2e place
Ensuite, chacun a intérêt à se distancier de cette campagne nationale. Les travaillistes en premier lieu. Plutôt pro-européens, mais dans l’opposition, ils cherchent à clarifier leur positionnement vis-à-vis du SNP et des conservateurs. Ils sont par conséquent mal à l’aise avec l’idée de faire de nouveau campagne auprès de David Cameron, comme ce fut le cas en septembre 2014 lors du référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. A cela s’ajoute que Kezia Dugdale, 34 ans, fraichement investie de la direction du Labour dans la région, doit marquer son territoire et s’ancrer localement, surtout après la déroute de son camp en Ecosse lors des élections générales de l’an dernier. Pour mémoire, 39 des 40 sièges travaillistes dans la région avaient été perdus. Enfin, Mme Dugdale devra contrer l’émergence d’un mouvement de gauche dissident, baptisé ‘RISE’, et qui tend à prendre de l’importance.
Chez les conservateurs, la situation n’est guère différente. En effet, leur mauvais début de campagne est à mettre à l’actif de leurs divisions internes et des révélations liées à l’affaire des ‘Panama Papers’ qui ont éclaboussé David Cameron en personne. A cet égard, le référendum du 23 juin serait de plus en plus perçu comme une gageure imposée par la direction londonienne du parti. Leader des Tories en Ecosse, Ruth Davidson, 37 ans, admet d’ailleurs que le SNP, actuellement au pouvoir à Edimbourg, est “loin devant” , et assume de ne viser que la seconde place. Son slogan de campagne - “Pour une opposition forte” - est à cet égard sans équivoque.
Les sondages, qui s’étaient lourdement trompés lors des dernières élections générales, donnent pour le moment raison à Mme Davidson. Le SNP devrait conserver sa majorité absolue avec environ 70 sièges sur 129. Suivent loin derrière les conservateurs et les travaillistes avec respectivement 22 et 21 sièges, selon un sondage réalisé le 19 avril pour le Daily Record.
Campagne prudente de la part du SNP
L’actuelle First Minister et leader du SNP Nicola Sturgeon tentera donc surtout de motiver ses électeurs qui pourraient être enclins à croire la victoire assurée. Car Mme Sturgeon aussi a tout intérêt à distinguer l’échéance du 5 mai de celle du 23 juin. Remplaçante du charismatique Alex Salmond en novembre 2014, c’est en effet son premier grand test électoral. Elle se doit donc de garder la main sur l’agenda de la campagne et de ne pas se laisser déborder par des enjeux nationaux et internationaux sur lesquels elle n’a aucune prise.
Quant à la possibilité d’un nouveau référendum d’autodétermination en cas de Brexit, il n’en n’est pas encore question. Si le SNP a vu ses soutiens quadrupler en un an et demi, les Ecossais restent néanmoins éprouvés par ce scrutin qui aura profondément divisé la région. Pas question donc de s’avancer trop vite sur une nouvelle consultation pour l’instant anxiogène. Tout juste Nicola Sturgeon a-t-elle, en fine politicienne, suggéré qu’une telle conséquence serait probablement “inévitable” dans l’éventualité d’un Brexit.
Enfin, un dernier élément vient conforter la dimension locale de cette élection : le nouvel accord de dévolution de pouvoirs à l’Ecosse, promis par le gouvernement de David Cameron pour éviter la sécession de la région en 2014, vient d’être voté à Westminster. Il prévoit notamment davantage de prérogatives à Holyrood en matière de fiscalité et de budget. Il y a donc un enjeu majeur à savoir ce que chaque parti propose de faire de ces nouvelles compétences.
Outre le fait de voir trois femmes comme candidates principales, il semblerait donc que les Ecossais fassent preuve à nouveau de leur maturité citoyenne en sachant distinguer élections locales et référendum national. Le taux de participation devrait être la mesure-clé pour en convenir.
Article écrit dans le cadre d’un partenariat avec notre correspondant en Ecosse Maxime David