Un Européen en faveur de l’indépendance écossaise
Bien que membre du SNP, Toni ne veut pas être considéré comme un “nationaliste” . “Je me définis comme un ‘internationaliste’ et je suis un Européen convaincu” , précise-t-il. “Cette campagne n’est pas anti-britannique, ni contre les immigrés ou contre l’Europe” , poursuit le jeune Italo-Ecossais. “Au contraire, il s’agit d’un mouvement de nationalisme civil, ouvert à toutes et à tous : l’Europe n’a rien à craindre d’une Ecosse indépendante” . En effet, les Ecossais ne partagent pas la méfiance du Royaume-Uni vis-à-vis de l’Union européenne. Aux dernières élections européennes, l’Ecosse différemment du reste du pays. Alors que le Royaume-Uni compte 27 conservateurs (ECR) et 15 eurosceptiques (ELD et non-inscrits) sur un total de 73 parlementaires européens (57%), l’Ecosse a, quant à elle, élu deux socialistes (S&D) et deux Verts sur un total de 6 députés européens (66%). “En Ecosse” , affirme Toni Giuliano, “l’UKIP n’existe pratiquement pas” .
Opposée à tout séparatisme (en particulier à celui de la Catalogne), l’Espagne a toujours été intransigeante avec les déclarations d’indépendance de nouveaux Etats. Depuis 2008, Madrid n’a pas reconnu le Kosovo et pourrait (en théorie) opposer son véto à l’entrée d’une Ecosse indépendante dans l’UE. Cependant, la position espagnole a récemment changé, réussissant à promettre une “non interférence” dans la question écossaise. “Si le processus [d’indépendance] est légal, la demande [d’adhésion] pourra être considérée” , a déclaré le 2 février M. García-Margallo, ministre des Affaires étrangères espagnol, au quotidien britannique Financial Times. “L’Ecosse n’est pas la Catalogne” , insiste Toni Giuliano, “notre pays peut compter sur l’Accord d’Edimbourg, signé en 2012 par les chefs de gouvernement britannique et écossais” . Dans ce texte, David Cameron accepte le référendum et la possibilité d’une victoire des indépendantistes.
Les raisons du “oui”
“Tout d’abord, l’Ecosse n’est pas une région, mais une nation. Une nation sans Etat” , lance Toni Giuliano. L’histoire de l’Ecosse est complexe. Indépendant jusqu’au 18e siècle, le Royaume d’Ecosse entre dans une union politique avec le Royaume d’Angleterre en 1707. Se crée alors le Royaume de Grande Bretagne” , qui existe jusqu’à l’annexion de l’Irlande en 1800 : le nom devient alors Royaume de Grande Bretagne et d’Irlande” . Avec l’indépendance de cette dernière dans les années 1920, l’Etat prend enfin le nom actuel : “Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord” . “La première raison en faveur de l’indépendance est une question de démocratie” , poursuit le candidat SNP, “notre slogan est : ‘le futur de l’Ecosse dans les mains des Ecossais’ ” .
Suite à l’autonomie législative approuvée par Londres dans les années 1990, le Parlement d’Edimbourg est aujourd’hui compétent en matière d’éducation, de justice, de santé ou encore d’environnement. Le Palais de Westminister, le Parlement britannique, s’occupe quant à lui, d’économie, de fiscalité, des Affaires étrangères, de la défense ou encore de la gestion des ressources naturelles.
Les élections du Parlement d’Edimbourg ont montré des différences encore plus grandes. En 2007, les indépendantistes du Parti national écossais (SNP) ont remporté 31% des voix devenant le premier parti d’Ecosse. Son chef, Alex Salmond, a alors pu former un gouvernement de minorité avec les Verts. En 2011, le SNP a battu un nouveau record, remportant 44% des votes. Avec ses 69 sièges sur 129 au Parlement écossais, le SNP a cette fois-ci formé un gouvernement de majorité et forcer Londres à accepter l’hypothèse d’un référendum. “La demande d’indépendance ne naît pas d’une volonté de revanche” , commente l’activiste SNP, “nous avons bien gouverné depuis 2007 et nous voulons continuer à le faire, mais cette fois-ci dans tous les domaines de la vie publique” . Quant aux limitations de souveraineté qu’une Ecosse indépendante aurait en tant que membre de l’UE, Toni Giuliano n’a aucun doute : “c’est complètement différent : avec l’UE, c’est l’Ecosse qui décide de transmettre de pouvoirs à Bruxelles. Dans le Royaume-Uni, c’est Londres qui choisit quelle compétences déléguer à Edimbourg” .
Un Ecossais sur trois reste indécis
Selon le dernier sondage TNS réalisé en janvier 2014, le camp du “oui” a convaincu 29% des adultes écossais, contre 42% pour le “non” . La part d’indécis (29%) fera donc basculer le vote d’un côté ou de l’autre. “L’objectif de la campagne est tout d’abord d’informer les électeurs, car l’idée d’indépendance peut faire peur, si on ne sait pas ce que cela signifie” , explique Toni Giuliano. En effet, selon le sondage de TNS, 56% des Ecossais avouent ne pas être “assez informés” sur la question, un chiffre qui grimpe à 81% chez les indécis. A sept mois du référendum, la bataille reste donc à jouer et les élections européennes pourraient être un test pour les forces politiques. Mais le résultat ne sera pas facilement analysable : “le parti des Verts est également pour le ‘oui’, tout comme une grande partie des électeurs du Parti travailliste” , explique M. Giuliano. Quant au SNP, “le parti cherchera à remporter un troisième siège au Parlement européen” . Pour le jeune Italo-Ecossais, c’est une double campagne électorale qui commence.
En savoir plus :
Le sondage de TNS sur le référendum écossais - janvier 2014
Spain promises non-interference on Scotland - Financial Times