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David Cameron conduit-il le Royaume-Uni au Brexit ?

Sujet phare du gouvernement britannique depuis les élections générales de mai 2015, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne s’apparente à un cocktail de plus en plus explosif. Devant être organisé dans le courant de l’année 2016, cette consultation pourrait bien conduire à un Brexit. D’après un dernier sondage, 53% de la population voterait pour mettre un terme à l’aventure européenne du pays.

David Cameron

Jeu dangereux

Le jeu dangereux, joué par David Cameron depuis maintenant trois ans à propos de l’Europe, pourrait bien être sur le point de se retourner contre lui. Promis depuis janvier 2013, confirmé avec la reconduction de Cameron au 10 Downing Street, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, qui doit avoir lieu dans le courant de l’année 2016, pourrait aboutir à un Brexit. C’est en tout cas ce qu’indiquent les sondages publiés ces dernières semaines.

En mai 2015, au lendemain de la réélection de David Cameron au poste de Premier ministre, les Britanniques étaient 54% à vouloir rester dans l’UE. Huit mois plus tard, la donne est presque inversée : d’après l’institut Survation, auteur d’un sondage pour The Mail on Sunday, ils sont désormais 53% à préférer une sortie.

En tout état de cause, pour M. Cameron, la tension monte. Car s’il ne le dit pas clairement et que son sentiment européen est largement guidé par le pragmatisme, le chef du gouvernement britannique ne souhaite pas voir son pays sortir de l’UE. Les conséquences économiques et géopolitiques, qu’il tend à minimiser, seraient considérables. Des restrictions d’accès au Marché unique à l’isolement sur la scène internationale, en passant par l’incapacité à peser sur la législation européenne : Londres a plus à y perdre qu’à y gagner.

L’immigration au cœur du débat

C’est pourquoi le Premier ministre multiplie les efforts pour essayer d’obtenir de ses partenaires européens le meilleur “deal” pour le Royaume-Uni, et ainsi appeler à voter pour rester. En interne comme au niveau européen, la tâche est ardue. Si certaines des demandes britanniques apparaissent comme symboliques, comme rayer des traités la volonté de créer une “Union toujours plus étroite” , d’autres semblent inacceptables pour Bruxelles et les Etats membres.

Questions/Réponses : Brexit

Pour en savoir plus sur le Brexit, consultez également notre Question/Réponse “Qu’est-ce que le Brexit?”

Supprimer les prestations sociales pour les immigrés européens durant leurs quatre premières années sur le territoire britannique est à cet égard la réclamation la plus sensible. Cette mesure reviendrait en effet à discriminer certains citoyens européens. Totalement impensable pour les institutions européennes et de nombreux pays, notamment ceux dont les ressortissants sont nombreux à s’installer en Grande-Bretagne. D’autant que de nombreuses études, dont celles de l’OCDE, démontrent que les immigrés européens coûteraient moins cher au Royaume-Uni qu’ils ne rapportent en taxes et activité économique.

Dans sa difficile opération séduction, David Cameron doit en plus composer avec une actualité particulièrement chargée au niveau européen. La crise des réfugiés, pour ne parler que de l’enjeu le plus prégnant, occupe et préoccupe largement les dirigeants européens, faisant passer les demandes britanniques au second plan et cristallisant même le débat sur le Brexit autour de la seule question migratoire. En attestent les récupérations par le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) des agressions de Cologne lors de la Saint-Sylvestre, vraisemblablement commises en majorité par des immigrés venus d’Afrique du Nord et non par de récents demandeurs d’asile syriens. Selon Nigel Farage, leader de la formation de droite radicale et souverainiste, ce type de migrants, à la faveur des trop généreuses lois européennes, se verraient dotés de “passeports européens leur permettant de rejoindre le Royaume-Uni” .

Le référendum avant la réforme du Règlement de Dublin ?

Ainsi, dans le but d’inverser la tendance, le Premier ministre pourrait être enclin à accélérer le calendrier et convoquer le référendum avant l’été prochain. Alors qu’il reste environ 20% d’indécis parmi les électeurs, le temps presse pour les convaincre de rester.

De plus, chose inquiétante pour David Cameron, sous la pression migratoire et face aux dysfonctionnements de plus en plus criants de l’espace Schengen, Jean-Claude Juncker et Donald Tusk, respectivement présidents de la Commission et du Conseil européens, préparent actuellement une refonte de la politique européenne d’immigration. Dans le viseur des deux dirigeants européens : le Règlement de Dublin stipulant que les migrants doivent demander l’asile dans le premier pays européen dans lequel ils arrivent. Or depuis plusieurs mois, la réalité du terrain est tout autre et plusieurs pays, au premier rang desquels la Grèce, sont submergés et incapables de contrôler les flux. La fin de ce système rendrait de fait le Royaume-Uni encore plus attractif qu’il ne l’est déjà et serait de nature à encore renforcer la crispation migratoire que connait le pays actuellement.

Enfin, le calendrier politique français et allemand joue contre David Cameron. François Hollande et Angela Merkel brigueront de nouveaux mandats en 2017, et si le Premier ministre entend obtenir des concessions de leur part, il faudra que cela survienne avant le début de leurs campagnes électorales.

Conservateurs et travaillistes divisés

En d’autres termes, le Brexit, longtemps improbable, est aujourd’hui plausible. Et l’issue du prochain référendum s’annonce plus qu’incertaine. D’autant plus qu’aucun des deux principaux partis traditionnels britanniques ne dispose d’une position claire et unanime sur la question. David Cameron a concédé la possibilité à ses troupes de prendre librement position. Tandis que le Labour, théoriquement pro-européen mais actuellement en proie à de profondes divisions, a vu se constituer un groupe, certes encore restreint, de parlementaires favorables à une sortie de l’Union européenne. Du pain béni pour Nigel Farage et le UKIP, qui n’ont, dans ce contexte pas à forcer leur rhétorique pour convaincre les Britanniques de sortir de l’UE.

Et pour ne rien arranger aux tracas de David Cameron, reste l’épineuse question de la poussée indépendantiste écossaise, censée avoir été “réglée pour une génération” lors du référendum de septembre 2014, mais qui pourrait ressurgir en cas de Brexit. Il s’agirait en tout cas d’une occasion en or pour Nicola Sturgeon, cheffe du Parti national écossais (SNP), pour réclamer une nouvelle consultation populaire. D’autant plus qu’elle a vu sa position considérablement renforcée lors des dernières élections générales, son parti ayant remporté 53 des 56 sièges prévus pour l’Ecosse à la Chambre des communes.

Or, si une sortie de l’Union européenne affaiblirait incontestablement le Premier ministre - même s’il a assuré qu’il ne démissionnerait pas le cas échéant - le départ de l’Ecosse et une explosion du Royaume-Uni signeraient à coup sûr son arrêt de mort politique et le feraient entrer par une drôle de porte dans les livres d’Histoire. L’année 2016 sera chaude pour David Cameron.

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