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Budget : que sont les recommandations par pays de l’Union européenne ?

Pour bénéficier du plan de relance européen, les Etats membres doivent prévoir des projets environnementaux et numériques, mais également proposer des réformes pour tenir compte des “recommandations par pays” du Semestre européen. De quoi s’agit-il ?

Contrairement aux années précédentes, les commissaires Valdis Dombrovskis, Paolo Gentiloni et Nicolas Schmit ont présenté en juin 2021 des projets de recommandations par pays portant uniquement sur les aspects budgétaires - Crédits : Commission européenne

Tous les ans, la Commission européenne adresse à chacun des 27 pays membres une série de recommandations, dans lesquelles elle suggère un certain nombre de réformes économiques et sociales à mettre en œuvre. En 2019, elle a par exemple demandé à l’Espagne d’augmenter ses impôts ou de réduire ses dépenses pour limiter son déficit public, et à l’Allemagne d’augmenter ses investissements.

Pourquoi la Commission adresse-t-elle des recommandations aux États membres ?

Ces “recommandations spécifiques par pays” constituent l’aboutissement du Semestre européen, une procédure instaurée en 2011 en réaction à la crise économique, qui avait particulièrement touché le continent européen. A l’époque, la Commission européenne soulignait dans une communication les raisons poussant à renforcer la coordination économique, budgétaire et sociale jusque-là insuffisante.

Elle estimait notamment que “le fonctionnement de l’Union économique et monétaire a été soumis à des tensions particulièrement fortes parce que ses règles et ses principes sous-jacents n’ont pas été respectés par le passé”. Un fonctionnement remis en cause par les “déséquilibres budgétaires et les autres déséquilibres macroéconomiques”. Enfin, la Commission indiquait que “l’assainissement des finances publiques [nécessitait] de fixer des priorités et de faire des choix difficiles”.

De quoi se compose le Semestre européen ?

Le Semestre européen fixe un agenda annuel, qui débute par un état des lieux de l’économie européenne en novembre, et s’achève avec des recommandations pour chacun des pays, proposées par la Commission en mai puis adoptées par le Conseil en juillet.

Non contraignantes, celles-ci ont ensuite vocation à être prises en compte par les gouvernements, notamment dans l’élaboration de leurs programmes nationaux de réforme élaborés jusqu’à la fin de l’année. Les mesures contenues dans les recommandations peuvent porter sur un large éventail de thèmes : finances publiques, systèmes des retraites, fiscalité, éducation, formation professionnelle, lutte contre le chômage, etc.

Le calendrier (simplifié) du Semestre européen

Phase préparatoire
(novembre)
La Commission européenne publie son examen annuel de croissance, ainsi qu’un projet de recommandation pour la zone euro.

Phase 1 : orientations politiques au niveau de l’UE (mars)
La Commission publie des rapports par pays, ainsi que d’éventuelles recommandations pour les pays dont la situation économique est jugée problématique.
Le Conseil européen formule des orientations politiques, notamment sur la base de l’examen annuel de la croissance.

Phase 2 : objectifs, politiques et programmes propres à chaque pays (avril - juillet)
En avril, tenant compte de ces rapports et orientations, les Etats membres transmettent à la Commission leurs objectifs, priorités et programmes de réformes.
En mai, la Commission propose ses recommandations pour chaque Etat membre.
En juillet, après l’approbation du Conseil européen, le Conseil de l’UE adopte ces recommandations.

Phase 3 : mise en œuvre par les Etats membres (juillet - décembre)
Au cours des six derniers mois de l’année (“semestre national”), les États membres tiennent compte des recommandations lorsqu’ils élaborent leurs budgets nationaux pour l’année suivante.

Voir la procédure détaillée sur le site du Conseil européen.

Quelles sont les recommandations pour 2020 et 2021 ?

La pandémie de Covid-19, survenue au printemps 2020, a chamboulé le processus du Semestre européen.

Ainsi, le 20 mai 2020, lors de la présentation des rapports par pays, le vice-président de la Commission Valdis Dombrovskis déclarait que le “paquet ‘Semestre européen’ du printemps [avait] été remodelé et rationalisé de manière à guider nos États membres à travers la tempête. Dans l’immédiat, notre objectif est d’investir dans la santé publique et de protéger l’emploi et les entreprises”.

Les orientations et les mesures prises dans ce contexte tranchent alors avec l’austérité qui a marqué la précédente crise économique. “Il sera vital d’éviter de répéter les mêmes erreurs que par le passé. L’investissement avait été la première victime des mesures prises il y a 10 ans […] si nous gardons cette approche, nous allons devoir sacrifier nos priorités à long terme”, affirmait de son côté Paolo Gentiloni, commissaire à l’Économie.

Afin de répondre à cet objectif, l’exécutif européen avait identifié quatre types de mesures pour les États membres :

  • une dérogation aux exigences budgétaires, telles que le déficit limité à 3 % du PIB, afin de préserver les emplois et aider les entreprises, et plus largement préserver la stabilité économique ;
  • la mise en place d’indemnités de chômage ainsi que de revenus de substitution, suivie d’une garantie de sécurité des travailleurs lors du retour au travail, afin de sauver les emplois et garantir l’équité ;
  • l’identification des projets pouvant contribuer à la neutralité climatique, notamment dans l’industrie et les transports, de manière à mettre en œuvre le Pacte vert ;
  • l’investissement dans le numérique, l’éducation, les compétences et la formation ainsi que sur le marché du travail, pour assurer un haut niveau de productivité.

Les recommandations adressées à la France en 2020 découlaient de ces quatre grandes priorités, avec quelques particularités. Elles insistaient par exemple sur l’importance de mettre en place “des mesures de soutien à la liquidité des entreprises, en particulier pour les petites et moyennes entreprises”. Toujours concernant les entreprises, les pouvoirs publics étaient invités à “réduire les charges administratives pesant sur les entreprises et à simplifier le système fiscal”.

En 2021, l’exercice est de nouveau adapté, afin “d’être coordonné avec la facilité pour la reprise et la résilience”, rappelle l’exécutif européen. Ainsi, seules des recommandations d’ordre budgétaire ont été adressées aux États membres, laissant de côté celles d’ordre structurel. Pour bénéficier des fonds de Next Generation EU, chaque pays a du soumettre un plan national de relance et de résilience, corrélé aux recommandations faites en 2019 et 2020. La Commission rappelle en effet que ces documents “doivent fournir une explication détaillée de la manière dont les recommandations par pays sont prises en compte”.

Si certains Etats membres ont d’ores et déjà reçu un versement équivalent à 13 % du montant total alloué, le versement du reliquat sera conditionné au respect de certains objectifs et étapes intermédiaires, dont la mise en place de réformes en lien avec les recommandations du Semestre européen.

Si les recommandations restent relativement similaires d’un pays à l’autre cette année, en raison du choc symétrique ayant touché l’ensemble du continent, ce ne fut pas toujours le cas. En 2019, les recommandations faites à la France encourageaient par exemple le projet de loi porté par le gouvernement concernant la réforme des retraites, objet de nombreuses contestations sociales à travers le pays.

Sont-elles suivies par les États membres ?

N’étant jusqu’ici pas contraignantes, les recommandations du Semestre européen sont-elles réellement suivies par les Etats membres ? En 2017, lors de la présentation des recommandations annuelles, la Commission a publié une évaluation de leur mise en œuvre globale depuis leur création en 2011.

Mise en œuvre globale des recommandations par pays 2011-2016 jusqu’à présent (évaluation pluriannuelle) - source : Commission européenne

Premier constat, le taux de “mise en œuvre intégrale” des recommandations est très faible : seulement 9%. Les réels progrès constatés restent même majoritairement mineurs puisqu’ils sont jugés “substantiels” ou mieux dans seulement 24% des cas.

Ces chiffres cachent par ailleurs des disparités fortes selon les domaines. Selon le site de la Commission européenne, “la plupart des progrès ont été réalisés dans le domaine des services financiers et des politiques de l’emploi”. A l’inverse, le taux de mise en œuvre devient “particulièrement faible” pour les recommandations “visant à élargir l’assiette fiscale, celles dans le domaine de la santé et celles relatives à la concurrence dans les services”.

Avec le versement des fonds du plan de relance européen conditionné à la mise en œuvre de certaines réformes, les recommandations de 2019 et 2020 revêtent un caractère plus contraignant.

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