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Budget européen : ce que contiennent les propositions de la Commission européenne

La Commission européenne a, mardi 2 mai, présenté ses propositions pour le budget de l’UE après 2020. Comme prévu, Bruxelles plaide pour un cadre financier pluriannuel (2021-2027) accru et incluant de nouveaux champs d’action comme la gestion des migrations ou la sécurité. Toutefois, des coupes font également partie des annonces de la Commission et concernent l’agriculture et la politique régionale.

Le contexte

Depuis plus d’un an, les tractations vont bon train au niveau européen s’agissant de l’avenir du budget de l’UE. Le présent cadre financier pluriannuel (2014-2020) touchant bientôt à son terme, les discussions, traditionnellement longues et difficiles, ont en effet d’ores et déjà démarré. D’autant plus que le Brexit induit mécaniquement la fin de la contribution britannique au budget de l’Union, qui représente à l’heure actuelle entre 12 et 14 milliards d’euros par an.

Dès l’automne 2016, la Commission européenne a ainsi amorcé le débat, avec de premières réflexions sur l’avenir général de l’Union européenne. Ces dernières ont ensuite été formalisées au printemps 2017, à l’occasion du 60e anniversaire du traité de Rome. Pour l’exécutif européen, il paraît clair que des changements assez profonds s’imposent si l’UE veut pouvoir faire face aux enjeux les plus pressants du moment, comme le terrorisme et la crise migratoire et veut pouvoir continuer de peser dans la mondialisation.

De fait, comme Jean-Claude Juncker, président de l’exécutif européen, l’a lui-même qualifié, l’UE traverse depuis environ une décennie une “polycrise” et il convient aujourd’hui d’en tirer les conséquences. Cela passe par un budget pluriannuel modifié. Premièrement pour gagner en flexibilité, afin de pouvoir réagir aux inévitables urgences. Deuxièmement pour gagner en solidité, pour relancer la convergence économique et sociale et affronter les crises. Et troisièmement pour gagner en modernité, quitte pour cela à revoir à la baisse les deux champs de dépense historiques de l’UE : l’agriculture et la politique régionale (cohésion).

Evidemment, des propositions budgétaires plus élevées, comme le réclamait notamment le Parlement européen qui plaide pour sa part pour un budget équivalant à 1,3% du PIB de l’UE, étaient possibles. Mais “nous voulions être pris au sérieux” , a déclaré Jean-Claude Juncker le 2 mai devant les eurodéputés. Si toutes les demandes avaient été prises en compte, les 2% du PIB auraient été approchés, ce qui aurait été immédiatement refusé par les gouvernements, soutient le chef de la Commission.

Les chiffres

Pour la période 2021-2027, la Commission prévoit un budget total de 1 279 milliards d’euros (en prix courants). Ce montant représente 1,11% du PIB des 27 Etats membres (hors Royaume-Uni donc), soit une hausse de 0,11 point par rapport à la période 2014-2020. Une progression peu spectaculaire en apparence, mais qui n’en est pas moins une petite révolution à Bruxelles, dans la mesure où la tendance budgétaire est à la baisse depuis de nombreuses années au niveau européen.

Plus précisément, la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion continueront, au cours des années à venir, d’occuper les deux premières places en termes de dépenses. A elles deux, la PAC et la cohésion régionale devraient ainsi représenter environ 58% du budget global de l’UE (contre plus de 70% actuellement). Les fonds dédiés à la PAC sont néanmoins annoncés en baisse de 5% et ceux consacrés à la cohésion de 6%.

Parmi les autres politiques européennes qui devraient disposer de fonds importants, figurent : la recherche et l’innovation, dont le budget est en hausse de 50% par rapport au précédent cadre financier pluriannuel ; le programme Erasmus, qui devrait voir ses fonds multipliés par 2 ; la gestion des frontières - les effectifs du corps européen de garde-frontières pourraient passer de 1 200 à 10 000 d’ici 2027 ; la politique extérieure, qui devrait aussi être renforcée.

A cela s’ajoute de nouvelles lignes budgétaires qui n’existaient pas jusqu’ici. 20 milliards d’euros sur 7 ans devraient ainsi être consacrés à la politique européenne de défense, ainsi que 10 milliards d’euros à la gestion des migrations. La consolidation de la zone euro, défendue notamment par Emmanuel Macron, est également concernée avec environ 25 milliards d’euros prévus pour “l’appui aux réformes structurelles” et une réserve d’environ 30 milliards d’euros pour le maintien des investissements en cas de nouveau choc économique défavorable.

Les ressources propres

Outre les nouveaux champs d’action de l’UE qui se retrouvent intégrés aux propositions budgétaires de la Commission européenne, une autre innovation majeure de ce cadre financier pluriannuel 2021-2027 devrait être l’établissement de nouvelles ressources propres. A l’heure actuelle, le budget européen est majoritairement abondé par les contributions nationales des Etats membres, selon le PIB, et complété par une grande partie des droits de douane collectés dans l’Union, ainsi que par une partie de la TVA. Après 2020, la Commission européenne compte sur trois nouvelles sources de revenu : l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés (ACCIS), le marché du carbone et la taxe sur les plastiques non recyclés. A elles trois, ces ressources pourraient représenter 12% du budget total de l’UE.

Toutefois, l’accord unanime des Vingt-Sept sera indispensable pour que cette piste, évoquée de longue date, se réalise. Tout sauf une certitude à ce stade. D’autant moins que l’ACCIS, discutée depuis 2001, ainsi que la taxe sur les plastiques ne sont pas encore instaurées. Quant au marché du carbone, les recettes générées reviennent à l’heure actuelle en intégralité aux Etats membres.

Les sujets qui fâchent

Anticipées de longue date, progressivement divulguées par la presse avant leur publication officielle le 2 mai, les propositions de la Commission européenne pour l’avenir budgétaire de l’Union, ont d’ores et déjà été amplement commentées. De toute évidence, contenter toutes les exigences était impossible, particulièrement compte tenu des divergences massives entre les Européens. L’Autriche ou encore les Pays-Bas se sont en effet empressés de critiquer les annonces de Bruxelles, les considérant trop élevées. De nombreux eurodéputés, à l’inverse, les ont trouvées trop basses pour répondre à l’ensemble des enjeux actuels.

Individuellement, plusieurs sujets ne vont pas non plus manquer d’alimenter le débat au cours des semaines à venir. Ce sera le cas premièrement de la politique agricole commune. La Commission prévoit une diminution des fonds qui lui sont consacrés de 5%, ce qui est contesté par la France. “Si nous voulons accompagner la transition de notre agriculture vers des systèmes plus durables, plus résilients et plus performants, (…), il nous faut préserver le revenu des agriculteurs et donc maintenir un budget de la PAC à la hauteur de cette ambition” , a ainsi déclaré Stéphane Travert, ministre français de l’Agriculture, peu après l’officialisation des propositions de Bruxelles.

Il en va de même de la politique de cohésion, dont la baisse programmée suscite de nombreuses inquiétudes. La gauche européenne, par l’intermédiaire notamment de l’Allemand Udo Bullmann, leader des socialistes et démocrates au Parlement européen, a dénoncé cette réduction. Tout comme de nombreuses autres forces politiques européennes, allant des Républicains français au Mouvement 5 étoiles italien.

Plus vives encore devraient être les discussions relatives à la volonté de Bruxelles de conditionner l’octroi des fonds européens, quels qu’ils soient, au respect de l’Etat de droit par les Etats membres. Cette mesure est sans équivoque dirigée contre la Pologne et la Hongrie, qui multiplient les atteintes à l’indépendance de la justice ou encore à la liberté de la presse, et contre lesquels la Commission européenne paraît à l’heure actuelle impuissante. En effet, l’exécutif européen est bloqué par la règle de l’unanimité qui prévaut concernant les sanctions contre un gouvernement qui enfreindrait les règles de l’Etat de droit. En passant par le budget européen, la Commission pourrait agir via la majorité qualifiée. La validation de cette proposition, intitulée “Mécanisme de supervision des fonds” , devrait néanmoins être difficile à obtenir. Plusieurs pays, dont ceux concernés par son application, pourraient en effet menacer de bloquer le vote du cadre financier pluriannuel, qui lui aussi est soumis à l’unanimité, en cas d’approbation du Mécanisme.

La Commission européenne veut en outre profiter du Brexit pour mettre un terme progressif, sous 5 ans, à l’ensemble des rabais aux contributions nationales pour le financement du budget européen.

Les prochaines étapes

Du 29 mai au 14 juin prochains, la Commission européenne publiera le détail de ses propositions législatives pour chaque champ de dépense. Cet ensemble de textes indiquera alors comment Bruxelles compte mettre en musique les grandes orientations communiquées le 2 mai.

D’intenses et houleuses discussions s’engageront alors entre la Commission européenne, les Etats membres de l’UE et le Parlement européen. Ces dernières, qui pourraient être les plus difficiles de l’histoire de l’Union européenne à en croire la grande majorité des dirigeants européens, devraient s’étaler sur plusieurs mois. Un accord de l’ensemble des Vingt-Sept et du Parlement européen est nécessaire pour adopter ce cadre financier pluriannuel. L’exécutif européen espère que ce sera chose faite d’ici mai 2019.

En effet, du 23 au 26 mai 2019 auront lieu les prochaines élections européennes. De leurs résultats découleront la couleur politique de la prochaine Commission et la composition du prochain Parlement. Ces changements d’équilibres politiques induiraient alors probablement une remise à zéro des négociations budgétaires si elles ne sont pas déjà conclues, mettant alors en péril l’entrée en vigueur du cadre financier pluriannuel à la date prévue du 1er janvier 2021, et entrainant mécaniquement des retards dans le renouvellement ou le lancement des programmes.

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