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Au cœur du débat avec le Royaume-Uni : “quelle vision pour l’Europe dans 10 ans ?”

Le 7 mai, les Britanniques ont donné une victoire nette et inattendue aux conservateurs, validant de fait leur bilan économique et leur volonté d’organiser un référendum sur la place du pays dans l’Union européenne. Reconduit au poste de Premier ministre, David Cameron s’apprête donc à renégocier les termes de l’adhésion britannique à l’UE avec ses partenaires européens.

Pour commenter les résultats de ces élections et la future teneur des discussions avec le gouvernement britannique, Touteleurope.eu s’est entretenu avec la sénatrice UMP Fabienne Keller. Vice-présidente de la commission des Affaires européennes au Sénat, Mme Keller est l’auteure d’un rapport d’information, publié en mai 2015, et intitulé “La place du Royaume-Uni dans l’Union européenne, fruit d’une irréductible singularité”.

10 Downing Street

Touteleurope.eu : Selon vous, quels éléments ont été décisifs dans le choix des Britanniques de reconduire les conservateurs au gouvernement ?

Fabienne Keller : Comme tout le monde, j’ai été surprise. Il y a plusieurs éléments d’explication. Ces élections à un tour responsabilisent beaucoup le vote. Visiblement, les Britanniques ont fait le choix de donner une majorité franche. Mais c’est un choix qui est l’addition des votes de chaque circonscription, dont c’est aussi le résultat d’un ensemble de situations. On a entendu que des votes UKIP étaient passés chez les conservateurs pour obtenir une majorité tranchée. Il y a également eu l’inquiétude écossaise, qu’on a très bien senti monter dans les quinze derniers jours, avec une éventuelle coalition avec les travaillistes qui était peu claire sur ses objectifs.

Les Britanniques n’ont-ils pas aussi validé la politique économique du gouvernement, même si cette dernière a été austéritaire ?

C’est également un élément avancé par les observateurs. Ce qui est perçu comme une réussite de la stratégie économique de David Cameron a été à l’origine de son succès et de sa crédibilité. Et à cela s’ajoute peut-être un sentiment que ce type de stratégie doit s’inscrire dans la durée.

Fabienne Keller

Fabienne Keller est membre de l’UMP, sénatrice depuis 2004, vice-présidente de la commission des Affaires européenne, et ancienne maire de Strasbourg (2001-2008). En mai 2015, elle publie le rapport d’information : “La place du Royaume-Uni dans l’Union européenne, fruit d’une irréductible singularité” .

C’est vrai qu’il y a eu des débats autour de la faible augmentation des revenus, mais visiblement les Britanniques sont prêts à l’effort. Ils ont fait le choix de l’emploi plutôt que des politiques plus sociales, même si les travaillistes sont restés très prudents dans ce domaine. Malheureusement, le modèle français a été utilisé comme un contre-exemple, des deux côtés.

Dans votre rapport d’information, vous déclarez que les Britanniques font preuve de pragmatisme et de bon sens dans leurs relations avec l’Europe. Cela veut-il dire que vous êtes optimiste quant aux négociations qui vont s’ouvrir sur la place du Royaume-Uni dans l’UE ?

Je trouve surtout les Britanniques très organisés. Mon travail a eu comme objectif principal d’analyser leur ‘review of competence’, soit 32 rapports réalisés entre mi-2012 et mi-2014 dans lesquels ils font une étude assez factuelle de la politique européenne : les éléments positifs, ceux à améliorer ou encore ceux à renationaliser. Par conséquent, je trouve qu’ils sont redoutablement armés. Les termes de la négociation sont posés et ce de manière trans-partisane. Leur ‘review of competence’ est un travail très consensuel : c’est une démarche très anglo-saxonne de structuration du débat.

Nous devrons donc avoir un regard fin sur cette question. A cet égard, l’accélération du calendrier envisagée pour l’organisation de ce référendum est plutôt une source d’inquiétude. Car plus on le rapproche, moins nous sommes dans la négociation. Il faudra suivre attentivement les premières postures du gouvernement sur l’Europe, notamment sur la question de la libre-circulation, qui est très fondatrice de l’Union européenne. Pour la Commission européenne, il s’agit d’un principe très structurant de la convergence économique et sociale européenne.

Toujours dans votre rapport, vous indiquez que pour le Royaume-Uni, le marché unique doit rester “l’Alpha et l’Omega” de la construction européenne. Est-ce encore possible ? N’avons-nous pas déjà basculé vers une forte intégration politique ?

Pour moi, ce sera ça le cœur du débat : quelle vision pour l’Europe dans 10 ans ? Peut-on accepter que les Etats membres pratiquent une forme de concurrence intra-européenne par leur fiscalité ou leur droit social ? Une plus forte convergence ne serait-elle pas au contraire souhaitable pour permettre un développement harmonieux ?

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C’est une différence de vision entre une Europe avec des pays de plus en plus proches et une Europe plus libérale qui serait la leur. Les Britanniques demandent d’ailleurs l’approfondissement de cette Europe-ci avec plus d’intégration dans les services, le numérique ou l’énergie.

Au Royaume-Uni comme en France, le scrutin majoritaire semble montrer ses limites, avec des partis réalisant des scores importants, mais qui ne se reflètent pas en sièges au Parlement. Le UKIP a ainsi obtenu 12,6 % des suffrages pour un seul siège. Faut-il tendre vers un système plus proportionnel ?

Le système majoritaire a l’immense avantage de donner des majorités claires, nécessaires pour gouverner. Les systèmes très proportionnels donnent souvent des accords de circonstance, accordant souvent des pouvoirs excessifs à ceux qui assurent la bascule. Après c’est vrai que parfois l’écart entre le nombre de voix et de sièges est très impressionnant. Mais l’influence du UKIP est quand même très forte au Royaume-Uni. Si David Cameron a fait cette ‘review of competence’ c’est entre autres sous la pression de ce parti.

François Fillon a déclaré que “le peuple britannique a choisi de poursuivre une politique économique qui, contrairement à celle de François Hollande, obtient des résultats sur le front de la croissance et de l’emploi” . L’UMP doit-il s’inspirer du Parti conservateur et la France du Royaume-Uni ?

Au Royaume-Uni, la création d’emplois se fait surtout dans le secteur financier. Le pays n’échappe pas au sous-investissement et à la désindustrialisation. Néanmoins, c’est effectivement une économie qui génère de l’emploi, ce que nous ne savons plus faire. Il est donc utile de s’intéresser à leur modèle, qui suscite d’ailleurs un fort consensus national. C’est important de s’en inspirer même si ce n’est évidemment pas transposable.

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