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2015, mauvaise année pour les droits de l’homme en Europe ?

Dans son rapport annuel, l’agence européenne des droits fondamentaux s’inquiète de l’évolution des droits de l’homme en Europe. Si elle salue les efforts de certains Etats membres en matière d’égalité ou d’accès aux droits, elle juge globalement insatisfaisantes leurs politiques d’asile, d’immigration et de lutte contre la xénophobie.

Michael O'Flaherty, directeur de l'agence européenne des droits fondamentaux

Photo : Michael O’Flaherty, directeur de
l’agence européenne des droits fondamentaux
© Parlement européen

Créée en 2007, l’agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) est mandatée pour fournir des conseils d’experts aux institutions et aux États membres de l’UE en matière de protection des droits fondamentaux. Elle travaille en étroite collaboration avec les organes nationaux comme la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) en France.

A l’heure où New-York accueillait, les 19 et 20 septembre, deux importantes conférences sur les migrants et les réfugiés, l’agence européenne des droits fondamentaux (FRA) présentait quant à elle son rapport annuel en France. Le moyen pour cet organe indépendant, chargé de rendre compte aux institutions et citoyens européens de l’évolution des droits de l’homme dans l’Union, d’alerter plus particulièrement sur la crise des migrants et des réfugiés.

Le document dresse ainsi le bilan de l’année passée sur huit points, de la lutte contre la xénophobie à la protection de la vie privée, en passant par les droits de l’enfant et l’intégration des Roms.

Migrants : faciliter les voies légales d’accès à l’Union européenne

Nous avons de sérieux problèmes en Europe aujourd’hui” , dont “le plus terrible” reste la situation des migrants et des réfugiés, juge ainsi le directeur de l’agence Michael O’Flaherty. Ainsi, plus d’un million de personnes ont cherché refuge dans les Etats membres en 2015. 3 771 d’entre eux, hommes, femmes et enfants, ont péri en Méditerranée à bord d’embarcations impropres à la navigation et souvent surchargées.

Pour mettre fin à ce lourd bilan, l’agence appelle les Etats membres à “faciliter l’entrée légale dans l’UE” des personnes ayant besoin d’une protection internationale, en proposant notamment des “possibilités de réinstallation, d’admissions humanitaires ou d’autres dispositifs sûrs” . Car le fait que l’Europe n’offre que des possibilités limitées pour pénétrer légalement sur son territoire rend le voyage de ces personnes “inutilement périlleux” , soulève la FRA.

Bien qu’il se félicite de la volonté affichée par certains Etats d’accueillir plus de réfugiés, M. O’Flaherty juge “inacceptable” que l’Italie et la Grèce, toutes deux en première ligne pour gérer l’accueil de réfugiés sur le territoire européen, subissent de plein fouet le manque de solidarité européenne. D’autant que le système de relocalisation proposé par la Commission européenne a été enterré lors du Sommet de Bratislava le 16 septembre.

Le rapport met également des lacunes concernant la protection des plus vulnérables : les femmes exposées au risque d’agressions et d’exploitation sexuelles, ainsi que les mineurs non accompagnés, dont plusieurs milliers ont disparu l’an dernier des centres d’hébergement. D’autres ont été maintenus en rétention ou encore séparés de leur famille : une atteinte à leurs droits fondamentaux, contre laquelle les Etats devraient agir en facilitant le regroupement familial.

La FRA appelle par ailleurs à réduire les risques, pour les personnes qui apportent une aide humanitaire ou une assistance appropriée aux migrants en situation irrégulière, d’être poursuivis et sanctionnés par la justice. Des procédures déjà éprouvées par des membres d’associations ou des pêcheurs qui ont recueilli des migrants à bord de leurs embarcations.

Enfin, les Etats devraient respecter le principe de non-refoulement des personnes vers les pays où ils risquent d’être persécutés, assurer un niveau de vie adéquat aux migrants pendant l’examen de leur demande d’asile et mettre en place des mécanismes pour prévenir les mauvais traitements lors du retour de sans-papiers. Une politique à laquelle l’agence ne s’oppose pas, estimant que la promotion des retours volontaires reste une solution “plus durable” que l’usage régulier des retours forcés.

Lors d’un sommet international sur les réfugiés le 20 septembre, 50 Etats se sont engagés à accueillir 360 000 personnes supplémentaires par rapport à 2015, sans pour autant que leur répartition ne soit précisée. Les Etats-Unis ont annoncé le chiffre de 130 000, tandis que 7 pays européens (Roumanie, Portugal, Espagne, République tchèque, Italie, France, Luxembourg) ont quant à eux promis de réinstaller ou d’accueillir dix fois plus de réfugiés qu’ils ne l’ont fait en 2015.

Des agressions racistes en augmentation

Par ailleurs, l’agence européenne s’inquiète de la recrudescence d’actes racistes et xénophobes. Elle note que l’arrivée massive de demandeurs d’asile et d’immigrants, ainsi que les attentats terroristes advenus ou déjoués dans plusieurs Etats, ont alimenté en grande partie une “exacerbation de sentiments xénophobes” .

Les attaques et incidents visant spécifiquement des étrangers se sont multipliés en 2015. Mais également cette année, comme en témoigne par exemple l’assassinat d’un Polonais fin août dans la banlieue de Londres.

Si dans l’ensemble, l’agence européenne note que “les Etats membres et les institutions de l’UE ont poursuivi leurs efforts pour lutter contre les crimes de haine, le racisme et la discrimination ethnique” , elle estime par ailleurs qu’il existe trop peu de voies de recours pour les victimes de tels actes et que les sanctions prononcées sont trop peu sévères pour être efficaces et dissuasives.

Le directeur de l’agence affirme dès lors être “très inquiet” de la “stérilité” de certains discours politiques visant les immigrés, faisant notamment référence à la campagne en faveur du Brexit. Un avis partagé par le dernier rapport de l’Organisation de coopération et de développement en Europe, qui s’inquiète du terrain gagné par la rhétorique contre les immigrés.

Vie privée : trouver le juste équilibre

Dans le cadre de la lutte antiterroriste, plusieurs Etats dont la France ont renforcé les pouvoirs de leurs services de sécurité et de renseignement. Sans prendre au part au débat sur les atteintes à la vie privée soulevé par ces mesures, l’agence rappelle qu’un équilibre doit être chaque fois trouvé entre la nécessaire sécurité des citoyens et le respect des droits fondamentaux. Interrogé à ce sujet, M. O’Flaherty juge que la loi française, qui instaure une surveillance ciblée plutôt que globale, est un exemple à suivre pour les autres Etats.

Des améliorations dans l’accès au droit et l’égalité

Le rapport note tout de même des avancées dans certains domaines.

L’accès à la justice des citoyens, et notamment des victimes de la criminalité, a été globalement facilité. La directive européenne sur les droits des victimes est en effet entrée en application dans l’ensemble de l’Union européenne, et prévoit notamment une aide financière aux victimes, leur droit de comprendre et d’être compris ainsi qu’une reconnaissance mutuelle des réparations aux victimes. Plusieurs Etats ont également renforcé les droits des personnes poursuivies et des suspects.

L’agence européenne constate également qu’une série d’évolutions positives a eu lieu dans le domaine de la protection contre la discrimination fondée sur le sexe, la religion ou les convictions, le handicap, l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Par ailleurs, certains Etats ont pris des mesures pour remédier à l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes.

Enfin, l’organe souligne que la ratification de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées a constitué un moteur important des réformes juridiques et politiques au niveau européen.

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